L'Etat crée une société écran pour prêter 320 milliards aux banques sans avoir l'air de s'endetter
L'Etat crée une société écran pour prêter 320 milliards aux banques sans avoir l'air de s'endetter
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En temps de crise, la dette est plus que jamais un honteux secret de
famille. Pour éviter d'affoler le contribuable et de s'attirer le
courroux des autorités européennes, le ministère de l'Economie et des
Finances a décidé de créer… une société écran pour mettre à disposition
320 milliards d'euros de garantie sans faire bondir la dette publique
de 20%.
Détaillé par le rapport du sénateur Marini
sur le projet de loi de finances rectificative présenté mardi 14
octobre, le montage consiste tout bêtement à confier aux banques une
majorité des parts de la «société de refinancement»
créée pour l'occasion et de ne conserver pour l'Etat que 34%. Sous la
loupe de critères d'Eurostat (l'organisme statistique de la zone euro),
les 66% d'actifs détenus par des entreprises privées en font une
structure commerciale dont la dette, toute colossale qu'elle soit, ne
rentre pas dans les comptes publics. L'Etat, de son côté, se ménage une
minorité de blocage et le droit de veto d'un commissaire du
gouvernement pour contrôler les opérations.
Une banque à bénéfice nul… dirigée par un banquier !
Le projet de loi prévoit d'autres gardes fous, notamment la présence de
parlementaires censeurs lors des conseils d'administration, mais le
meilleur d'entre eux reste le principe d'opération à bénéfice nul. En
pratique, la société de refinancement n'est qu'une plateforme où les
banques échangeront des créances contre la garantie de l'Etat après
avoir souscrit une convention avec ce dernier. Le seul bénéfice dégagé
est celui de la «rémunération de la garantie»
: l'Etat prête les sommes à titre onéreux et perçoit en échange du
risque un pourcentage d'intérêts. Cette somme ne fait que transiter par
la société de refinancement qui n'est dotée que des fonds nécessaires à
son fonctionnement. A part les salaires des employés de cette société,
il n'y aura donc pas d'argent susceptible d'être mal utilisé.
Le schéma de fonctionnement de la société de refinancement. Schéma extrait du rapport Marini.
On peut cependant se demander combien seront rémunérés les deux
principaux responsables de cet organisme. A la présidence, l'Etat a
nommé Michel Camdessus, ancien président du Fonds monétaire
international et gouverneur honoraire de la Banque de France. A la
direction générale, en revanche, c'est un haut représentant de la
banque privée qui a été appointé: Thierry Coste, ancien pdg de Crédit
Agricole Asset Management, branche dédiée aux activités de banque
d'affaire.
Derrière l'écran de fumée, les deniers
publics seront donc gérés par un banquier au service des banques. Et la
dette ? Pas d'inquiétude : elle ne deviendra celle de l'Etat que si les
banques viennent à faire défaut dans le remboursement des emprunts
contractés auprès de la société de refinancement. Il suffit donc juste
d'avoir confiance dans le système bancaire français.
Jeudi 16 Octobre 2008 - 17:50
Sylvain Lapoix
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