Qu'est-ce que la démocratie participative ?
Qu'est-ce que la démocratie participative ?
La démocratie dite «participative» cherche à impliquer dans la vie
politique des citoyens qui ne sont ni des élus (qui ont reçu un mandat
d'autres citoyens pour les représenter), ni des militants d'un parti
politique qui s'expriment et votent des résolutions à l'intérieur de
ces partis.
En effet, le mode de fonctionnement des partis (dont une
des fonctions est de recruter le personnel politique) implique
nécessairement une organisation hiérarchisée ; il s'agit donc d'essayer
de réintroduire dans le jeu politique d'une part ceux qui sont rebutés
par ce type de fonctionnement, et qui ont davantage des comportements
d'«électrons libres», d'autre part ceux qui sont restés «à la base»,
n'ayant pas été jugés aptes par les autres à exercer des
responsabilités autres que le tractage sur les marchés.
Dans certains pays (Japon, pays
scandinaves), ce système fonctionne assez bien pour les décisions à
dimension purement locale, d'intérêt communal, qu'on pourrait presque
qualifier d'apolitiques (mais, comme le disaient les Anciens Grecs, «tout est politique»)
: des citoyens, tirés au sort, interpellent la municipalité sur leurs
besoins non satisfaits, sur les promesses sur lesquelles elle a été
élue, sur le calendrier de ses réalisations ; il s'agit d'une formule à
mi-chemin entre les enquêtes d'intérêt public avant la mise en œuvre
d'un projet important, et les évaluations des politiques publiques ; le
terme de «jurys populaires» est très mal choisi, car un jury est celui
qui tranche, et ces citoyens n'ont évidemment aucune légitimité pour le
faire : leur rôle est plutôt celui d'une sorte de «piqûre de rappel»
permanente.
Evidemment, un tel système ne peut exister nulle part dès
l'instant où il s'agit de mettre en cause des décisions de portée
nationale : dans un tel petit groupe de citoyens tirés au sort ou
volontaires auto-désignés, chacun ne représente que lui-même, il n'a ni
l'expertise ni la légitimité pour imposer quoi que ce soit – et, du
reste, les membres de ces groupes ont des opinions personnelles souvent
totalement opposées et incompatibles entre elles sur différents sujets
– et souvent, aussi, totalement irréalisables, faute d'une maîtrise
technique suffisante des problèmes : si tout Ministre doit s'entourer
d'une armée d'experts du plus haut niveau (ce qui ne lui évite pas
toujours de se planter…), que penser du citoyen lambda comme vous et
moi, qui n'a même pas conscience de tout ce qu'il ignore ?
Une bonne et fidèle armée de réserve
Mais, comme le disait Karl Marx «le Français a la tête politique» – et aime donner son avis sur tout.
C'est pour tenter d'exploiter ce phénomène que certains politiques (en
général, ceux qui se voient un avenir Présidentiel...) se sont souvent
constitué des «clubs» : «Convaincre» pour Rocard, «Désirs d'Avenir»
pour Ségolène Royal, etc. Solidement dirigés et encadrés par des
proches du politique en question, ils ont une double fonction :
constituer, pour lui, une réserve de fidèles qui viendra s'ajouter à
ceux qu'il compte déjà dans le parti ; et inciter le plus grand nombre
possible de leurs adhérents à «franchir le pas», à adhérer au parti, pour venir y renforcer son courant.
Afin d'entretenir la flamme, il importe de faire croire aux membres de
cette armée de réserve qu'ils sont utiles : d'où le mythe du
«laboratoire d'idées» (jamais la moindre idée utilisable n'est
évidemment sortie de ces clubs : les idées des politiques viennent des
autres politiques qui les entourent, et des «think tanks» où
travaillent, pour eux, des experts de haut niveau, d'avis souvent
divergents), et l'organisation de pseudo-colloques, tables rondes,
etc., où le malheureux auto-proclamé présidentiable doit payer de sa
personne, en venant faire semblant d'écouter de longs développements du
café du commerce, et donner l'impression à ses groupies qu'il les tient
en haute estime («Tu as vu ? Rocard, Giscard, Fabius, Ségolène, etc., il/elle me tutoie !»)…
C'est sans doute Ségolène Royal qui a poussé cet exercice le plus loin,
en donnant l'illusion aux membres de son association, en 2007, qu'ils
avaient participé à l'élaboration de son pacte présidentiel et,
aujourd'hui, via son «questionnaire participatif», qu'ils contribuent à
l'élaboration de sa motion pour le Congrès du PS de Novembre 2008.
J'ai évidemment trop de respect pour l'intelligence et le
savoir-faire de celle qui est une vieille routière de la politique pour
imaginer qu'elle puisse prendre en compte les avis d'une infime poignée
de gens qui n'ont à lui offrir que leur enthousiasme et leur fidélité ;
mais j'admire l'habileté du procédé : chacun s'exprime, des synthèses
sont effectivement rédigées et rendues publiques, avec des citations
des noms des contributeurs les plus prolixes, champions du copié-collé
; et certains trouveront forcément, dans le texte final élaboré en
dehors d'eux et sans tenir compte de leurs délires inconscients,
l'impression de leur «marque», puisqu'on y trouve tout, la baisse comme
la hausse des impôts, l'allongement comme le raccourcissement de la
durée de travail, etc.
On ne peut quand même qu'être surpris
de constater que des gens s'imaginent que, du simple fait qu'ils font
partie d'un petit groupe de personnes qui soutiennent une femme
politique, leur avis sur l'éducation, la santé, les retraites, etc.,
pourrait peser du moindre poids, alors qu'à leur place aurait très bien
pu se trouver quelqu'un qui aurait soutenu des points de vue
radicalement opposés, et qu'ils sont trop peu nombreux pour que leurs
choix aient la moindre signification sur les opinions de la population
; et qu'ils ne comprennent pas que la seule raison d'être de ces clubs
n'est que de constituer un groupe de 10 à 20 000 (ne discutons pas des
chiffres) inconditionnels, à qui on ne demande que «sois fidèle et copie-colle toujours».
Jeudi 12 Juin 2008 - 16:51
Elie Arié
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