La réforme de rigueur
NOUVELOBS.COM | 05.04.2008 | 13:22
Les commentaires de la presse, samedi 5 avril, sur les annonces d'économies faites vendredi par Nicolas Sarkozy.
LIBERATION
Laurent Joffrin
"(...)Pour autant, le plan annoncé par Nicolas Sarkozy souffre d'au
moins deux défauts. Une grande sécheresse technocratique en premier
lieu. La réforme de l'Etat suppose une redéfinition de ses missions qui
débouche, ensuite, sur l'organisation des moyens; elle exige tout
autant concertation, négociation et popularisation du changement auprès
des agents et des usagers. Faute de quoi les mesures tombent d'en haut,
d'autant plus incomprises qu'elles obéissent à une logique des comptes
et non du service public. Ainsi l'éducation subira une grande partie
des coupes sombres alors qu'elle est priorité nationale. Le plan
Sarkozy, aussi bien, s'avance masqué. Pris à contre-pied par la
conjoncture, le gouvernement sait qu'il devra aller plus loin dans les
économies, sauf à jeter par dessus les moulins ses engagements
européens. Sarkozy, qui se voyait président du pouvoir d'achat, ne se
résoud pas à être celui du tour de vis. Il faudra bien pourtant, un
jour ou l'autre, manger le morceau."
LE FIGARO
Étienne Mougeotte
"(...)Qu'importe le flacon : rigueur, austérité ou diète, pourvu qu'on
ait le résultat : l'arrêt des gaspillages. C'est un bon début, mais ce
n'est qu'un début car 5 milliards d'euros d'économies nettes
représentent tout juste 10 % de notre déficit budgétaire annuel de 52
milliards. On peut faire plus, on doit faire plus. Donnons acte au
président de la République du bon choix de la méthode : une petite
équipe, réunie autour du secrétaire général de l'Élysée et du directeur
de cabinet du premier ministre, a, en quelques mois, passé au peigne
fin, secteur par secteur, la totalité des dépenses de l'État et ainsi
ouvert les pistes à la réforme en profondeur des modes d'intervention
et de financement public. La volonté ardente de Nicolas Sarkozy de
réformer la France en mettant fin à l'obésité paralysante d'un État
tentaculaire n'est pas discutable. Mais il faut maintenant que
l'intendance suive.(...)"
L'HUMANITE
Pierre Laurent
"(...)on imagine ce qui peut découler d'une application généralisée et
intangible du principe de non-remplacement d'un départ en retraite sur
deux dans la fonction publique. Nicolas Sarkozy veut en faire une règle
intouchable. Lancé à plein régime, c'est un missile qui pourrait
déstabiliser l'éducation nationale, la santé hospitalière, la justice,
les services de l'État dans leur ensemble, et pour tout dire l'action
publique en général. C'est d' ailleurs bien celle-ci, et non quelques
dépenses excessives, qui est visée. L'action publique au sens large,
d'ailleurs, et dans toutes ses dimensions, y compris internationales.
Dans une verve aussi démagogique que populiste, le chef de l'État s'est
par exemple laissé aller à ridiculiser les effectifs diplomatiques de
la France au Sénégal, laissant entendre qu'il fallait sérieusement les
dégraisser. (...)"
L'ALSACE
Jérôme Arnoux
"(...) Depuis hier, Sarkozy la cigale a donc fait sa mue pour tenter
d'entrer dans le costume de Sarkozy la fourmi. La cigale était surtout
vouée à la communication tapageuse et au 'bling-bling', la fourmi se
veut austère, sérieuse, consciente que la situation est grave et
soucieuse de mener les réformes nécessaires. On regrettera au passage
que la cigale ait réussi à danser pendant tout l'hiver, alors qu'une
cure de minceur s'imposait depuis très longtemps. Ancien ministre des
Finances, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas l'ignorer. Mais il ne voulait
pas envoyer un tel signal négatif car il avait, paraît-il, des
élections à faire gagner... avec le succès que l'on sait ! La fourmi
Sarkozy, donc, a entrepris hier de reconstituer des réserves bien
entamées par son passé de cigale - et notamment par le trou annuel de
15 milliards qu'a creusé le 'paquet fiscal', sans produire le choc de
croissance espéré. L'objectif affiché est d'économiser 7 milliards
d'euros à l'horizon 2011. (...)"
LA PREPUBLIQUE DES PYRENEES
Jean-Marcel Bouguereau
"(...) Il s'agit d'un plan de 'réforme' et non de 'rigueur', a affirmé
le président de la République : 'Je le dis et je le répète, ce ne sont
pas les économies qui feront la réforme, c'est la réforme qui permettra
les économies'. Le vrai problème c'est que le gouvernement a fait une
erreur de pilotage. Car il est un peu tard pour se réveiller : en 2007,
au lieu d'essayer d'assainir les comptes alors que la conjoncture s'y
prêtait beaucoup plus qu'aujourd'hui, le gouvernement a décidé de
dépenser près de 14 milliards dans le paquet fiscal, dont les effets
sont tout à fait incertains, le choc tant annoncé n'ayant pas eu lieu.
Alors que les économies annoncées hier par Nicolas Sarkozy se montent à
7 milliards d'euros, rappelons que le paquet fiscal représente une
dépense de...75 milliards d'euros sur cinq ans."
L'EST REPUBLICAIN
Chantal Didier
"'Austérité', pour les syndicats; 'Insuffisant', pour les économistes.
Les 166 mesures, annoncées hier par Nicolas Sarkozy, pour réformer
l'Etat suscitent des commentaires opposés. Des jeux de rôle qui
témoignent de la difficulté du politique à faire bouger les lignes,
chacun jugeant le verre à moitié plein ou à moitié vide en fonction des
intérêts à défendre. Même quand il y a urgence à agir. Tout a été dit
sur la nécessité de réduire les déficits publics, pas seulement pour
satisfaire aux impératifs européens, mais parce que la dette du pays
(plus de 1000 milliards d'euros !) devra être payée par les générations
suivantes. A défaut d'augmenter des impôts déjà trop lourds, il reste à
dépenser moins. Mais le politique reste frileux par crainte des
oppositions au changement. Un premier pas vient d'être franchi;
d'autres devront suivre."
LA NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE OUEST
Hervé Cannet
"Alors puisqu'il faut jouer sur les mots, commençons par cette formule
magique : 'Ce ne sont pas les économies qui permettront de faire les
réformes, ce sont les réformes qui permettront de faire des économies
!' Du coup, le nouveau slogan élyséen, c'est : 'La réforme, oui, la
rigueur, non !' Le Conseil de modernisation des politiques publiques
(titre ronflant destiné à faire comprendre que c'est désormais l'Élysée
qui a la haute main sur le dossier et non plus Bercy) a donc accouché
de 166 mesures. Celles des coupes claires dans la fonction publique et
du plafonnement des loyers sociaux cachent un inventaire dont le détail
tient plus de la correction de tir que d'un profond changement de cap.
Ce qui n'empêche pas les partenaires sociaux et la gauche de crier au
plan de rigueur. Politiquement, la bataille des mots (re)commence.
Économiquement, celle de l'austérité est à gagner. Dans les deux cas,
ce ne sera pas facile."
LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE
Olivier Picard
"(...) Ainsi, le président de la République a-t-il promis hier qu'il
n'y aurait pas de rigueur. Qui aurait imaginé que ce substantif féminin
devienne un jour tabou ? C'est qu'il est trop porteur d'ondes
indésirables quand le moral du pays nécessite la mobilisation de tous
les courages. S'il faudra faire cinq milliards d'économies net, c'est
donc une énergie positive qui y parviendra, pas la hache d'un pouvoir
castrateur d'espoirs. Pourquoi pas ? L'effort est donc gommé. La
réforme fera le travail ! La voilà redéfinie au passage. On croyait
qu'elle véhiculait le progrès, elle servira d'abord à apurer le passé.
Avouons-le, le raisonnement est -comment dire ?- audacieux. (...)"
LA CHARENTE LIBRE
Dominique Garraud
"(...)Nicolas Sarkozy a ouvert la porte à une rigueur à pas comptés
dans laquelle il souhaite apparaître personnellement le moins possible
en dehors de la réforme structurelle de l'Etat dont chacun mesure la
nécessité. A lui la vision à moyen terme, au gouvernement l'intendance
au quotidien. Il revient maintenant à François Fillon et à Christine
Lagarde de présenter la note exacte d'une rigueur qui ne veut pas dire
son nom mais qui sera bien réelle dès cette année avec la perspective
du gel de 7 milliards de crédits."
SUD OUEST
Frank De Bondt
"Le volontarisme politique, surtout lorsqu'il n'est pas mis au service
d'une idéologie, est une posture séduisante, fort commode en campagne
électorale, mais malheureusement soumise au bon vouloir de la réalité
économique. Le jour où le chef de l'Etat a admis que les caisses
étaient vides -après avoir participé du reste à leur écumage par la
distribution de cadeaux fiscaux superflus-, il se condamnait à devoir
assumer une forme quelconque de " rigueur ". Peu importe le mot
d'ailleurs et s'il est conseillé de parler plutôt d'économies ou de
cure d'amaigrissement, disons que les mesures annoncées ne seront pas
sans effets sur le quotidien des Français (...)."
LE JOURNAL DE LA HAUTE-MARNE
Patrice Chabanet
"(...) les 7 milliards d'euros d'économie dans les dépenses de l'Etat
suffiront-ils à inverser la courbe maudite de nos déficits? Non, si
l'on rapporte ce chiffre à l'enveloppe globale des dépenses publiques
chiffrées à 1 000 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy, en fait, ne s'est
pas livré à une simple opération comptable. Son objectif est surtout
psychologique : amener les Français à ne plus croire à la chimère de
l'Etat-Providence. D'où cette batterie de 166 mesures, comme pour
montrer que, dans chaque ministère ou dans chaque ambassade, on peut
sûrement racler des fonds de tiroir. En clair, se convaincre qu'il n'y
a pas de petites économies. L'exemple nous vient du Canada, où l'Etat
fédéral a décidé, il y a quelques années, de passer en revue chaque
dépense pour juger de sa pertinence ou de son efficacité. La
mutualisation de certains services administratifs annoncée hier
s'inscrit dans cette logique. La potion amère a été préférée à la
purge."
NORD ECLAIR
Jules Clauwaert
"Bien terne fin de semaine, si le chroniqueur était contraint de
ratiociner sur les subtilités sémantiques autour des notions de
réforme, à laquelle quatre Français sur cinq seraient favorables, et la
rigueur, vertu morale devenue synonyme de vaches maigres et de
nouvelles impositions. Monsieur de la Palice aurait préconisé quelques
gestes symboliques d'une plus juste répartition des richesses, quand
les écarts de revenus étalés sans vergogne par les bénéficiaires
dépassent les simples limites du savoir-vivre ensemble. Aux politiques
de mettre en musique une économie sociale de marché qui récompense le
mérite, mais ne laisse personne sur le carreau.(...)"
LE REPUBLICAIN LORRAIN
Pierre Fréhel
"(...)Certes, l'attribution de logements sociaux donne trop souvent
lieu à des abus, mais en durcissant les règles d'entrée, le
gouvernement semble vouloir avant tout couper dans des programmes qui
n'intéressent pas particulièrement son électorat. Au risque d'aggraver
les inégalités et les tensions sociales qui minent la société
française. Si les réformes destinées à réduire la dépense publique
produisent la croissance et le plein-emploi espérés, le pari sera
gagné. Mais cela suppose que les Français patientent encore un peu
avant de voir s'améliorer un pouvoir d'achat rongé par l'inflation.
Cette perspective pourrait leur sembler trop aléatoire pour qu'ils
retrouvent un moral actuellement au plus bas. Le temps de la réforme
est peut-être venu, mais tout aurait été incontestablement plus simple
si le climat économique avait été meilleur".
LA VOIX DU NORD
Hervé Favre
"(...)Fusionner les directions des impôts et celles du trésor public
est une réforme de bons sens - la première tentative avait tout de même
coûté son portefeuille à un ministre de Lionel Jospin - tout comme la
mutualisation' des services d'intendance de nos trois armées. Personne,
à part bien sûr les intéressés, ne protestera non plus contre la remise
en cause des retraites dorées des fonctionnaires sous les tropiques. La
réorientation des avantages fiscaux pour les investisseurs locatifs
vers les zones qui en ont vraiment besoin aurait déjà dû être décidée
par les gouvernements précédents ; de même, le resserrement des
conditions d'accès au logement social ne choquera que ceux qui en
bénéficient indûment, et qui ne sont pas tous aussi exposés
médiatiquement que l'ex-directeur du cabinet du ministère du Logement !
Mais au final, tout cela paraît encore un peu court pour un programme
de 'rupture'. Les décisions les plus douloureuses, notamment du côté de
la défense et de ses programmes budgétivores, sont encore à venir."
L'UNION
Hervé Chabaud
"(...)Cette fois, au pied du mur et avec l'exigence de donner des gages
de rigueur de gestion aux autorités européennes, le gouvernement n'a
pas d'autres choix que la fermeté. De fait, au sein de l'Union, la
France se distingue par une administration lourde dont l'efficacité
supérieure à celle de ses voisines est loin d'être démontrée. Notre
pays est considéré comme la cigale de la fable de La Fontaine. Il
dépense sans compter jusqu'à se mettre en grave danger.
Pour relever le défi, le gouvernement doit serrer les cordons de la
bourse, être très économe ou choisir l'option scandinave d'une
fiscalité accablante. Il est évident que, sans réforme, ce sont tous
les impôts qui augmenteront. Et bien plus que l'inflation ! Les
Français déjà déprimés peuvent-ils mieux se projeter dans l'avenir avec
un catalogue épais de 166 mesures ? Le gris de l'austérité domine le
bleu de leur pragmatisme."
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