PPDA s'en va, Aphatie s'éclate
PPDA s'en va, Aphatie s'éclate
Imaginez l'histoire. Patrick de Carolis rencontre Poivre après son
limogeage de TF1. Il lui propose un JT new look. Poivre présentera
debout, en duo avec une jeune quadragénaire, une «Ferrari brune»,
écrirait Télé 7 Jours.
Tout l'été, un teasing serait organisé autour de ce nouveau JT, plus
nerveux, de 20 minutes seulement, mais 100% politique et économique. Et
le jour J, le nouveau journal de France 2 grignoterait dix points à
TF1. L'Elysée fulminerait ; de Carolis se défendrait en déclarant que
sa mission première est de conforter l'audience du service public
audiovisuel.
Ce conte de fées n'aura évidemment pas lieu. La télévision
n'est pas un «marché» normal. Patrick de Carolis n'a pas profité de
l'opportunité PPDA. Nicolas Sarkozy continue de jouer les
programmateurs de chaîne de télévision. Il aura, n'en doutons pas, un
casting pour France 2. Patrick de Carolis n'a donc aucun souci à se
faire…
En revanche PPDA, lui, voit sa cote se déliter sur le
marché. Enfin sur celui, étroit, du JT. On peut penser, en revanche,
que Poivre vendra mieux son prochain livre. Et qu'il fera un carton
s'il se décide à sortir un opus sur sa mésaventure. En quelques
semaines, il a gagné ses galons de résistant au pouvoir. Il sort de la
scène par la grande porte, celle des héros victimes de Sarkozy, après Genestar, un autre Monsieur Klein de la résistance…
Mais la chute de PPDA a sans doute une autre signification : il marque
la fin du JT consensuel et rassembleur, et celle du présentateur
objectif et compétent. On a pu être choqué, jadis, par la vraie-fausse interview de Fidel Castro,
mais l'énorme bourde de Laurence Ferrari sur Besancenot, dont elle
ignorait, semble-t-il, les deux candidatures à l'Elysée, n'a provoqué
aucune vague. Certains penseront que les commentateurs ont craint de
heurter la sensibilité du Président sur le cas Ferrari. Mais
l'indifférence à l'égard de sa compétence montre que les présentateurs
sont désormais moins attendus pour leur neutralité que pour l'affichage
de leur subjectivité. TF1 devient une chaîne privée comme les autres,
vingt-et-un ans après la privatisation.
Aphatie, c'est le comte de Montecristo
De la même façon, Jean-Michel Aphatie, le journaliste qui monte, dans
la force de l'âge, ne cache pas ses états d'âme. Il les délivre même
tous les jours sur son blog, ce qui l'amène, d'ailleurs, à consacrer trois blogs successifs à la démolition de Marianne et Jean-François Kahn.
Aphatie a un alibi fabuleux, qui fait marcher le monde depuis
l'Antiquité : il est le messager de la vérité. Une consœur me disait
hier : « Nous avons du mal à expliquer pourquoi nous détestons le travail d'Aphatie.»
Cette phrase m'a fait réfléchir. Et voici ma réponse : nous avons du
mal à « dézinguer » Aphatie parce qu'il est un «professionnel de
l'authenticité». Son accent du Sud-Ouest ne ment pas. C'est un
autodidacte, qui a évité la case Grandes Ecoles. Ses interviews sont
comme des lames. Il pourfend ses interlocuteurs par ses questions. Il
mise sur l'impertinence. Il est forcément objectif puisque – il n'y a
qu'à lire son blog – il ne vote pas aux élections. Il est incorruptible
: il paye ses notes de restaurant, ne part pas en vacances avec les
hommes ou femmes politiques. Il ne parle jamais de sa famille. Il n'est
jamais en photo dans la presse people. Oui mais il se pose, aussi, des
questions à haute voix tous les jours sur son blog. Il a ses marottes :
en sus de Marianne, Paul Amar qui le lui rend bien, la dette qu'il diabolise et la Turquie qu'il jugerait presque « mineure ».
Bref, il est à la fois intraitable et subjectif, comme le comte de
Montecristo. Est-il permis de préférer, cette fois encore, l'original à
la lointaine copie ?
Mardi 01 Juillet 2008 - 08:08
Philippe Cohen
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