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Mon Mulhouse3
11 juin 2008

Vous avez demandé Matignon ? Une opératrice va vous répondre…

Vous avez demandé Matignon ? Une opératrice va vous répondre…

Quatrième épisode de notre série sur les nouvelles géographies du sarkozysme. Où l'on voit que François Fillon aurait bien aimé devenir le Pompidou du XXIème siècle... Caramba, encore raté !



Vous avez demandé Matignon ? Une opératrice va vous répondre…

 

Le désamour de l'opinion avec le Président lui est d'autant plus difficile à supporter qu'il s'accompagne de l'irrésistible ascension, entre décembre 2007 et mars 2008, de son Premier ministre. «L'inexistant», «Mister Nobody», devient un «contre-président», un leader raisonnable, stable, modéré, calme, sachant maintenir la distance qui convient au Primus inter Pares du pays. Fillon ne porte ni Ray-Ban ni bracelet en poil de chameau, il est l'anti-star. On l'aime de plus en plus dans les déjeuners de notables provinciaux et dans les rédactions «sérieuses».
En mars, l'écart est abyssal entre le Président et son premier ministre : 19% en faveur du second ! Voilà qui est insupportable pour Sarko. Ce dernier, selon un proche, «le vit très mal, comme une insulte à sa personne.»


Fillon = Pompidou ?
Et Sarkozy n'est pas du genre à se laisser insulter trop longtemps. Bien entendu, virer Fillon est, dans ce contexte, strictement impossible : sa popularité le protège et son départ en ferait un martyr, un recours même, comme Georges Pompidou en 1968, sur lequel misait toute une droite lassée du Général De Gaulle. Après l'échec des municipales, un plan de relance est arrêté. Les stratèges de l'Elysée mettent en scène un Sarko courageux, «mendésiste», un «Mensch» qui ira jusqu'au bout des réformes envers et contre tout et tous.
Conseiller élyséen et porte parole de l'UMP, Dominique Paillé détaille l'affaire : «Le quinquennat doit se lire en deux parties : la séquence 2008-2010, c'est le temps des réformes structurelles, et la séquence 2010-2012 est le temps du bilan et de la pré-campagne de 2012. Cet épisode sera inauguré par les élections régionales de 2010, où il sera difficile, pour la majorité, de faire pire qu'en 2004, lorsque la gauche avait raflé tous les Conseils régionaux.»
Traduction : alors qu'au début du quinquennat, les débats entre ministres (Amara versus Boutin, Yade versus Sarkozy, etc) avaient pour mérite d'écarter la gauche du débat public, le Président a aujourd'hui besoin d'une équipe soudée. Et surtout, il exige de son Premier ministre qu'il se mouille davantage dans la politique menée, qu'il descende de son piédestal... et dans les sondages. Le Château fait d'ailleurs fuiter ses confidences aux gazettes, comme le Canard Enchaîné qui rapportait en avril cette sortie du Président : «Le PM n'est pas assez courageux. Il ne s'est pas assez mis en avant depuis onze mois. C'est moi qui ait dû tout faire, c'est moi qui ai pris tous les coups et éteint tous les incendies. Il n'a pas compris que quand on est Premier ministre, il faut mettre de l'énergie à agir et non à durer.»


Claude Guéant, le vrai Premier ministre
Il ne faut pas se tromper : la haine de Sarkozy envers Fillon n'existe peut-être même pas. Catherine Pégard moque d'ailleurs régulièrement ce faux duel au sommet de l'état. Qu'on se le dise. Les deux hommes se sont combattus. Ils se connaissent bien et se sont choisis. La conseillère a sans doute raison : comme on dit dans la mafia, la détestation de Fillon n'est pas personnelle, elle est juste fonctionnelle. Il est un obstacle qui doit être éliminé proprement. Comme dans Pulp Fiction.
Donc Fillon est prié d'aller au charbon pour une politique qu'il n'a pas mise en œuvre lui-même, puisque le Président décide de tout dans les moindres détails. Les proches ne s'en cachent même pas : le vrai Premier ministre, c'est Claude Guéant. Et le vrai couple de l'exécutif, c'est le couple Sarko-Guéant. D'ailleurs, un signe ne trompe pas : au Château, il est strictement impossible de trouver quelqu'un qui dise du mal de lui...
En tout cas, la manœuvre fonctionne : après les Municipales, François Fillon s'expose, prend la parole, défend les mesures impopulaires que lui a imposées Sarkozy. La sanction sondagière ne tarde pas.
Le 30 avril, après avoir vu la baisse de 8 points de Fillon dans les sondages, Sarko confie : «Enfin, la preuve est faite que ce n'est pas en se mettant à l'écart des problèmes que l'on soigne sa cote de popularité. Cette idée que Fillon pourrait être le sauveur de la droite n'a pas de sens.» Cette semaine c'est encore mieux pour Sarko (et pire pour Fillon) : avec 41% d'opinions positives et Fillon à 47%, on devine le moment où les deux courbes peuvent se croiser.
En réalité, François Fillon dispose de peu d'appuis. Il est bien aimé par les députés, mais le chef de la majorité parlementaire, Jean-François Copé, a gagné ses galons de «nouveau résistant à Sarko» au sein d'une majorité déçue et désarçonnée par le Président. Une seule ministre lui est fidèle, Roselyne Bachelot. Il a espéré qu'à la faveur du remaniement post municipales, les bouledogues de l'Elysée (Guaino, Emmanuelle Mignon) soient recasés ailleurs. Échec : Martinon et Benamou ont été dégagés, mais les Tours présidentielles sont restées.


Vous avez demandé Matignon ? Une opératrice va vous répondre…

 

Le G7... et match ?
Dernière humiliation contre Fillon, Sarko lance en mai 2008 le groupe des sept : sept ministres, jeunes et inconditionnels de Nicolas sont invités à des petits déjeuners élyséens : Xavier Bertrand, Xavier Darcos, Eric Woerth, Brice Hortefeux, Laurent Wauquiez, Luc Chatel et Nadine Morano. Version officielle : Sarkozy veut agir en direct, parler en face à face, persuadé qu'il est le meilleur et le seul à pouvoir convaincre et expliquer sa politique aux ministres qu'il juge efficaces. Les sept membres du gouvernement qu'il voit le jeudi sont les plus invités dans les médias et les plus à même de défendre le président lorsqu'il est attaqué. Se plaignant régulièrement devant ses visiteurs de devoir «tout faire lui-même», Nicolas Sarkozy charge aujourd'hui des fidèles (Brice Hortefeux ou Nadine Morano) ou des valeurs montantes (Xavier Bertrand, Luc Chatel) à relayer son action sur le terrain. Une initiative doublement vexante pour Fillon : d'une part, il ne fait pas partie de cette garde rapprochée ; d'autre part, la présence de Xavier Bertrand, présenté comme son successeur, donne l'impression que le Président permet à Bertrand de diriger un gouvernement bis en attendant sa nomination à Matignon. Fillon aimerait bien être Pompidou. Pour le moment il n'est que Raymond Barre. Et encore, même pas : il n'est pas économiste…

Prochain épisode : Quand l'UMP prend le maquis
A lire également :
Les nouvelles géographies du sarkozysme (1)
Les conseillers du Président. Certains parlent, d'autres non.
Le cabinet off du Président


Mardi 10 Juin 2008 - 16:35

Philippe Cohen

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