Les conseillers de Sarkozy. Certains parlent, d'autres non...
Les conseillers de Sarkozy. Certains parlent, d'autres non...
Photo de FlashStef - flickr - cc
Au début du septennat régnait le cabinet des Magnifiques. La rupture en
veux-tu en voilà. Les conseillers de Chirac furent silencieux et
obséquieux ? Ceux de la Rupture seraient donc bavards et insolents. Les
cabinets étaient discrets, semblant agir dans l'ombre ? On exposa le
cabinet de Sarko aux photo reporters de Match
et le Président lui-même les invita à s'exprimer dans les médias.
Miracle de l'état de grâce autoproclamé par les médias, le charivari
fut interprété comme un charme nouveau du régime, une preuve de sa
liberté de ton. Les journalistes bluffés attribuaient à la magie
sarkozienne la capacité à faire travailler ensemble le « souverainiste
» Guaino (qui ne revendique d'ailleurs pas ce titre mais qu'importe, il
restera toujours tel pour les journalistes) et l'orthodoxe Pérol voire
l'ultra européiste Jouyet, secrétaire d'état aux Affaires européennes.
La grande gueule Bénamou tâclait de près la Ministre de la culture Christine Albanel. Emmanuelle Mignon s'emportait contre Henri Guaino.
On ne remarqua point, cependant, que ce comportement ostentatoire était
davantage celui des adversaires de la pensée unique que celui de ses
serviteurs, qui pour l'heure, se tenaient cois, attendant sans doute
leur heure. Claude Guéant s'exprimait un peu partout. Et le conseiller
Guaino a profité avec plaisir de cette largesse présidentielle :
puisque le «Verbe» avait séduit les Français durant la campagne, le
même Verbe devait les accompagner au temps de l'action. On mangea donc
du Guaino matin midi et soir. Sur Marianne2 sûr mais aussi dans tous les médias, télévisions, radios, presse papier et même internet.
Retour de la pensée unique ?
Que reste-t-il de ces épanchements contre la pensée unique ? Pas grand
chose en vérité. Les coups de gueule du Président contre l'euro cher
n'ont pas empêché Jean-Claude Trichet de poursuivre sa politique de
maintien des taux d'intérêt élevés. Les engagements sarkoziens à
Gandrange n'ont pas empêché Mittal de fermer une partie de l'aciérie.
La loi LME reprend un grand nombre d'antiennes néolibérales, comme s'en
félicite Jacques Attali. Enfin, dernier camouflet, Angela Merkel a
définitivement ruiné, lors de la conférence de Hanovre du 3 mars 2008
où elle a menacé le Président français de déclencher une crise, le
projet d'Henri Guaino d'Union pour la Méditerranée, ramené à une dimension européenne c'est-à-dire à celle d'une usine à gaz ingérable.
Le temps du silence est donc venu pour Henri Guaino comme d'ailleurs
pour la plupart des conseillers. C'est qu'au moment où la cote de
Sarkozy est descendue dans les sondages et dans le cœur des
journalistes (quelle coïncidence !), la liberté inédite des conseillers
est devenue subitement pagailleuse. Messieurs les conseillers,
quoiqu'ils en disent, ont été appelés à plus de discrétion, et il faut
chercher la parole de Guaino dans les arcanes du site de France 24.
Catherine Pégard, nouvelle star ?
Désormais, la priorité est donnée aux porte-parole qui diffusent la
doxa présidentielle : Dominique Paillé, Franck Louvrier, Catherine
Pégard, conseillère à la fois rassurante et plus classique. Son bureau,
qui mène à celui d'Henri Guaino, est deux fois plus petit que celui du
conseiller spécial. Mais elle est heureuse de montrer à ses visiteurs
l'empilement nonchalant d'une montagne de dossiers sur ce qui fut la
baignoire de Joséphine. Plus son auréole monte dans les médias, plus
les conseillers se la ferment. Ils devaient servir et éclairer la
parole du Président, ils finissaient par s'exprimer sur tout à tort et
à travers, et à donner l'impression que c'était eux qui gouvernaient le
pays.
La conseillère aime à vanter le «pragmatisme» du Président
auquel les institutions se seraient en quelque sorte «imposées». Jolie
formule pour avouer que si les conseillers ont dû se montrer plus
discrets, Nicolas Sarkozy lui-même a dû enfin accepter les remontrances
de Guéant qui, dès sa rencontre avec Carla Bruni, l'avait, en des
termes choisis mais clairs, averti que les Français ne l'avaient pas
élu pour qu'il revendique son «droit au bonheur». Catherine Pégard,
elle, parle de son patron avec des majuscules, trahissant l'immense
admiration qui l'a poussée à abandonner son confortable magistère au Point pour
«faire le job». Justement, quel est-il ce job ? Officiellement, elle
est censée gérer le délicat dossier des relations avec la majorité
parlementaire. Mais la cacophonie qui persiste dans ce domaine depuis
trois mois, de la loi OGM au vote de la Constitution, interdit
aujourd'hui d'en faire un trophée. Soyons juste, Madame Pégard ne fait
que commencer son labeur et elle partage cette fonction avec d'autres,
Roger Karoutchi et un autre conseiller pour lequel c'est un fulltime job,
comme on dit maintenant dans la haute administration française. Mais
pendant que le cabinet in rentrait dans le rang, le cabinet off, lui,
s'activait…
A lire aussi le premier épisode des nouvelles géographies du sarkozysme
Prochain épisode : le cabinet off
Lundi 09 Juin 2008 - 07:38
Philippe Cohen
Retrouvez moi : http://monmulhouse.canalblog.com/