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Mon Mulhouse3
31 mai 2008

Fiscalité : les mauvaises surprises qui attendent les salariés modestes

Fiscalité : les mauvaises surprises qui attendent les salariés modestes

Par Vincent Drezet du Syndicat national unifié des Impôts (SNUI). Qui démontre, barèmes en mains, comment on peut, à revenu égal, être plus imposé en effectuant des heures supplémentaires.



vincent drezet (photo Mathieu Genon)

vincent drezet (photo Mathieu Genon)

«Travailler plus pour gagner plus», le fameux slogan présidentiel a notamment pris la forme d'une exonération des revenus des heures supplémentaires de l'impôt sur le revenu (IR). Applicable dès cette année pour les heures supplémentaires effectuées à partir du 1er Octobre 2007, cette exonération paraît simple dans son principe, mais elle n'en recèle pas moins des effets cachés qui ne manqueront pas de surprendre bon nombre de ses bénéficiaires. Quels sont-ils ? Prenons un exemple.

Jean est salarié. Il est célibataire (ce que nous montre ce cas demeurerait valable dans une autre situation personnelle). Le salaire qu'il déclare s'élève à 15.000 euros. Il n'a pas effectué d'heures supplémentaires. Il devra payer cette année 27 euros d'IR.

Martin, son collègue, lui aussi célibataire (la symétrie des situations personnelles est indispensable pour une juste comparaison), déclare un salaire de 15.000 euros également. Mais il a effectué des heures supplémentaires pour 2.000 euros de plus qui seront déclarée à part des 15.000 (son salaire imposable) et qui seront exonérés d'impôt sur le revenu. Son impôt s'élèvera à … 413 euros !

Pourquoi une telle différence ? L'explication tient en une formule : l'empilement du dispositif de l'exonération des heures supplémentaires et de celui de la prime pour l'emploi (PPE). La PPE, destinée aux salariés qui gagnent moins de 1,4 Smic, est calculée à partir du «revenu fiscal de référence». Or, les revenus des heures supplémentaires, s'ils sont exonérés d'impôt sur le revenu (ils ne passent pas à la moulinette du barème progressif), sont intégrés au revenu fiscal de référence (tour comme d'autres revenus non soumis au barème de l'IR, comme les plus values par exemple). Dans notre exemple, le revenu fiscal de référence de Martin est supérieur de 2.000 euros à celui de Jean, ce qui vient mécaniquement diminuer sa PPE (plus on gagne, moins la PPE est élevée, et à partir de 1,4 Smic, elle est nulle). Pour calculer l'impôt à payer, on passe donc les 15.000 euros au barème de l'IR pour obtenir un impôt brut auquel on soustrait le montant de la PPE, lui-même calculé à part. La PPE de Martin étant moins élevée que celle de Jean, la somme qu'il doit payer est sensiblement plus élevée.

Les 2.000 euros supplémentaires du « travailler plus pour gagner plus » supporteront donc un taux effectif d'imposition à l'IR de 19,3 % (413 – 27 = 386 euros d'IR supplémentaire. 386/2000 = 19,3 %). A titre d'exemple, c'est le taux effectif d'imposition global que supporte un salarié célibataire qui déclare 55.000 euros…

Pour Martin, l'affaire ne s'arrête pas là, car le revenu fiscal de référence sert aussi de base de calcul au dégrèvement qui vient diminuer la taxe d'habitation en deçà d'un certain niveau de revenu. Et comme le revenu fiscal de référence de Martin sera plus élevé que celui de Jean, son abattement sera moins élevé que celui de Jean. Ainsi, par exemple, toutes choses étant égales par ailleurs (même valeur locative, même commune, même situation familiale), pour une taxe d'habitation avant abattement de 600 euros, Jean paiera 62 euros de moins que Martin en taxe d'habitation.

Cet exemple n'est pas un cas d'école. Avec près de 9 millions de bénéficiaires de la PPE et un salaire médian évalué par l'Insee à 16.430 euros (données 2005), il est facile de comprendre que de nombreux salariés peuvent avoir ce type de surprise en fin d'année à la réception de leurs avis d'imposition.

Ne nous y trompons pas : Jean n'est pas fiscalement privilégié car de manière générale, le système fiscal français pénalise en réalité autant Jean que Martin. Tous deux paient la TVA (50 % des recettes de l'Etat), des impôts locaux, des taxes sur la consommation (TIPP…) et aucun des deux n'a les moyens de défiscaliser. Cet exemple montre surtout que la profusion des mesures dérogatoires (dont les fameuses niches fiscales) n'est bon ni pour une juste répartition de la contribution commune, ni pour la compréhension de l'impôt, ni, enfin, pour sa légitimité. On n'ose penser que c'était but recherché.


Vendredi 30 Mai 2008 - 12:15

Vincent Drezet

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