Fiscalité : les mauvaises surprises qui attendent les salariés modestes
Fiscalité : les mauvaises surprises qui attendent les salariés modestes
vincent drezet (photo Mathieu Genon)
«Travailler plus pour gagner plus»,
le fameux slogan présidentiel a notamment pris la forme d'une
exonération des revenus des heures supplémentaires de l'impôt sur le
revenu (IR). Applicable dès cette année pour les heures supplémentaires
effectuées à partir du 1er Octobre 2007, cette exonération paraît
simple dans son principe, mais elle n'en recèle pas moins des effets
cachés qui ne manqueront pas de surprendre bon nombre de ses
bénéficiaires. Quels sont-ils ? Prenons un exemple.
Jean est salarié. Il est célibataire
(ce que nous montre ce cas demeurerait valable dans une autre situation
personnelle). Le salaire qu'il déclare s'élève à 15.000 euros. Il n'a
pas effectué d'heures supplémentaires. Il devra payer cette année 27
euros d'IR.
Martin, son collègue, lui aussi
célibataire (la symétrie des situations personnelles est indispensable
pour une juste comparaison), déclare un salaire de 15.000 euros
également. Mais il a effectué des heures supplémentaires pour 2.000
euros de plus qui seront déclarée à part des 15.000 (son salaire
imposable) et qui seront exonérés d'impôt sur le revenu. Son impôt
s'élèvera à … 413 euros !
Pourquoi une telle différence ?
L'explication tient en une formule : l'empilement du dispositif de
l'exonération des heures supplémentaires et de celui de la prime pour
l'emploi (PPE). La PPE, destinée aux salariés qui gagnent moins de 1,4
Smic, est calculée à partir du «revenu fiscal de référence». Or, les
revenus des heures supplémentaires, s'ils sont exonérés d'impôt sur le
revenu (ils ne passent pas à la moulinette du barème progressif), sont
intégrés au revenu fiscal de référence (tour comme d'autres revenus non
soumis au barème de l'IR, comme les plus values par exemple). Dans
notre exemple, le revenu fiscal de référence de Martin est supérieur de
2.000 euros à celui de Jean, ce qui vient mécaniquement diminuer sa PPE
(plus on gagne, moins la PPE est élevée, et à partir de 1,4 Smic, elle
est nulle). Pour calculer l'impôt à payer, on passe donc les 15.000
euros au barème de l'IR pour obtenir un impôt brut auquel on soustrait
le montant de la PPE, lui-même calculé à part. La PPE de Martin étant
moins élevée que celle de Jean, la somme qu'il doit payer est
sensiblement plus élevée.
Les 2.000 euros supplémentaires du «
travailler plus pour gagner plus » supporteront donc un taux effectif
d'imposition à l'IR de 19,3 % (413 – 27 = 386 euros d'IR
supplémentaire. 386/2000 = 19,3 %). A titre d'exemple, c'est le taux
effectif d'imposition global que supporte un salarié célibataire qui
déclare 55.000 euros…
Pour Martin, l'affaire ne s'arrête pas
là, car le revenu fiscal de référence sert aussi de base de calcul au
dégrèvement qui vient diminuer la taxe d'habitation en deçà d'un
certain niveau de revenu. Et comme le revenu fiscal de référence de
Martin sera plus élevé que celui de Jean, son abattement sera moins
élevé que celui de Jean. Ainsi, par exemple, toutes choses étant égales
par ailleurs (même valeur locative, même commune, même situation
familiale), pour une taxe d'habitation avant abattement de 600 euros,
Jean paiera 62 euros de moins que Martin en taxe d'habitation.
Cet exemple n'est pas un cas d'école.
Avec près de 9 millions de bénéficiaires de la PPE et un salaire médian
évalué par l'Insee à 16.430 euros (données 2005), il est facile de
comprendre que de nombreux salariés peuvent avoir ce type de surprise
en fin d'année à la réception de leurs avis d'imposition.
Ne nous y trompons pas : Jean n'est
pas fiscalement privilégié car de manière générale, le système fiscal
français pénalise en réalité autant Jean que Martin. Tous deux paient
la TVA (50 % des recettes de l'Etat), des impôts locaux, des taxes sur
la consommation (TIPP…) et aucun des deux n'a les moyens de
défiscaliser. Cet exemple montre surtout que la profusion des mesures
dérogatoires (dont les fameuses niches fiscales) n'est bon ni pour une
juste répartition de la contribution commune, ni pour la compréhension
de l'impôt, ni, enfin, pour sa légitimité. On n'ose penser que c'était
but recherché.
Vendredi 30 Mai 2008 - 12:15
Vincent Drezet
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