Fiers d'être de gauche ? Oui, certains le sont encore!
Fiers d'être de gauche ? Oui, certains le sont encore!
C'était un plan si «secret» qu'il a fait la une du Parisien-Aujourd'hui
le 4 mai : cette fois-ci c'est sûr, Bertrand Delanoë se lance dans la
bataille pour le leadership du Parti socialiste. Et nul doute que les
médias vont embrayer sur ce nouveau duel : Delanoë versus Royal. Nul
doute également que tout ce qui compte au PS aura du mal à ne pas
choisir son camp, avec un risque non négligeable de voir se constituer
un front Tout sauf Ségolène autour du Maire de Paris. Quant à Nicolas
Sarkozy , il n'aura plus qu'à attendre pour savoir qui sera son
challenger, si toutefois il succombe d'ici là à son désir
irrépressible, et tant de fois rapporté, de «faire de l'argent».
Que deviendront, dans cette bataille en technicolor, les
idées de la gauche ? On s'en doute, pas grand chose. Dans ses premières
approches, Ségolène Royal a surtout cherché à se victimiser, as usual.
Et «le plan secret» du Maire de Paris fait surtout la part belle à
«l'agenda» et au «casting», comme disent les «pros» de la politique :
on annonce un livre, des entretiens, un texte, une journée d'études
ponctuée par une tournée en province.
Des banquets républicains en prévision
Ces palinodies ne risquent pas de redonner le moral à l'opposition à
Sarkozy ou à la gauche. Voilà pourquoi, avant même que la bataille
batte son plein, il nous semble intéressant de populariser une
initiative prise par quelques responsables de gauche rassemblés autour
de Marie-Noëlle Lienemann, Paul Quiles et l'ancien ministre communiste
Jean-Paul Gayssot à travers le club Gauche avenir, créé voici un an. Le
texte, dont publions quelques extraits, «Fiers d'être de gauche» a été
signé par quelques dizaines de militants socialistes, communistes,
Verts, MRC et sans partis.
Ce signataires ont deux convictions :
1°) La gauche doit revenir à ses fondamentaux que la crise actuelle du système rend plus actuels que jamais.
2°) Le rebond de la gauche passe par l'unité de toute la gauche. Pour
Marie-Nöelle Lienemann et Paul Quiles, plus rien ne justifie la
division née du congrès de Tours. Il convient donc d'entamer un
processus d'unification du PS et du PC. Pour les autres, l'unité entre
les composantes de la gauche ne doit pas se cantonner au plan électoral
; elle passe par un échange approfondi aboutissant à un nouveau
programme commun.
Dans l'immédiat les animateurs de Gauche avenir organisent
une série de banquets républicains qui rassembleront diverses
composantes de la gauche locale. Le premier se déroule le lundi 5 mai à
Choisy-le-Roi.
Le capitalisme règne sans partage ; face à ce système, il n'y a rien,
aucun modèle alternatif. Combien de fois n'avons-nous pas lu ou entendu
cette affirmation ? Pas étonnant que certains, à gauche, aient la
tentation de remiser leurs ambitions et de considérer que le rôle de la
gauche serait désormais d'améliorer le système, de l'«humaniser», faute
de mieux, de limiter la casse, faute de pouvoir imaginer une
alternative globale. Cette approche, qui se fonde sur un bilan lucide,
mais partiel, de la situation actuelle, semble d'autant plus pertinente
qu'elle part d'un postulat incontestable : les anciens «modèles» de la
Gauche sont inadaptés au monde d'aujourd'hui.
LES ANCIENS «MODÈLES» DE LA GAUCHE SONT INADAPTÉS
Le XXe siècle a vu l'émergence de deux courants politiques importants
dans le camp progressiste, le communisme et la social démocratie.
A- FAILLITE DU COMMUNISME
La disparition de l'Union Soviétique et de ses satellites à l'Est de
l'Europe a sonné le glas des sociétés qui se réclamaient du communisme
et du «socialisme réel» . Elles ont le plus souvent sombré dans
d'effroyables tragédies humaines, faisant des millions de victimes ;
elles ont soumis la vie des hommes à des Etats policiers implacables ;
économiquement et socialement, elles ont élaboré des systèmes qui ne se
sont pas révélés viables. Leurs variantes dans les autres continents
(Asie, Afrique, Amérique Latine), qui subsistent ou non, sont aussi
marquées par des échecs cuisants.
Aucun des partis communistes dans le monde, notamment en
Europe Occidentale, n'a été épargné par les stigmates du stalinisme.
Certains ont disparu ; d'autres ont subi un recul général de leur
influence ; le magnifique idéal humain et la grande espérance qu'ils
ont représentés en ont été lourdement affectés. Pour sa part, le
communisme français n'a pas échappé à cette faillite : mais précisément
parce que sa culture est fille de l'histoire de notre pays, il survit,
comme on le dit d'une nappe phréatique, dans les couches profondes de
la société.
Si la lettre du communisme est morte, son esprit –qui, à
sa source, appelle le partage des avoirs, des pouvoirs et des savoirs–
hante toujours le monde. Quant à l'œuvre de Karl Marx, elle est
désormais inscrite dans l'histoire de la pensée humaine ; elle fournit
encore aux combattants de l'émancipation humaine de nombreux concepts
opératoires, comme ceux de classes sociales, d'exploitation,
d'aliénation, de fétichisme de la marchandise, d'extraction du travail
vivant.
B- ÉCHEC DE LA SOCIAL DÉMOCRATIE
À première vue, la social démocratie n'a pas connu le même sort. Parce
qu'elle a rapidement plaidé pour la conquête pacifique du pouvoir,
parce qu'elle a très tôt accepté d'exercer des responsabilités
gouvernementales (en jouant le jeu de ce qu'on appela longtemps la
«démocratie formelle» , qui suppose alternance et respect des libertés
et droits fondamentaux), parce qu'elle a mis «l'espérance
révolutionnaire» entre parenthèses, elle se maintient tant bien que
mal, au point de représenter aujourd'hui, dans la plupart des pays, la
seule alternance crédible face au camp conservateur. Elle a même connu
son âge d'or, dans un contexte économique et territorial précis (les
«trente glorieuses» en Europe), qui a fait beaucoup pour sa réputation.
En conciliant efficacité économique et réformes sociales,
elle a contribué un temps à accréditer l'idée selon laquelle le
capitalisme pouvait faire l'objet de sérieuses régulations permettant
l'amélioration des conditions de vie des travailleurs, matérielles (via
la redistribution) et intellectuelles (via l'éducation).
L'objectif de la social démocratie européenne aurait alors
pu se résumer par le slogan : le pain et la liberté, plus
l'émancipation individuelle.Pourtant, le courant social démocrate a
subi de plein fouet les évolutions contemporaines du système
capitaliste. Mal préparée aux mutations technologiques et financières
induites par le processus de mondialisation, la social-démocratie a
perdu pied au début des années 80 : alors que les libéraux ont
accompagné idéologiquement et politiquement l'accélération des échanges
et l'explosion des moyens de communication, les sociaux démocrates ont
laissé faire,
paresseusement confiants dans les vieilles recettes et les
vieilles grilles de lecture, pensées dans le cadre des Etats Nations et
avec un mode de production issu de la deuxième révolution industrielle.
LES IMPASSES
D'autres voies, inspirées par des «valeurs refuges» de la pensée
politique actuelle n'offrent aucune perspective réelle et conduiraient
à des impasses.
A- LE MIRAGE DE LA «TROISIÈME VOIE» ET DE LA GAUCHE DITE MODERNE
La
crise actuelle de la social démocratie vient de son incapacité à penser
le capitalisme financier transnational et ses conséquences. En retard
d'une révolution, bon nombre d'idéologues progressistes ont rendu les
armes : plutôt que d'élaborer une réponse politique, ils ont suivi le
mouvement, en faisant mine d'en maîtriser la direction.
Cette idéologie de la «troisième voie» n'est finalement
que le renoncement à la transformation du monde capitaliste et des
rapports de forces sociaux. Sous couvert de modernité et d'efficacité,
le «blairisme», le «clintonisme» et leurs avatars multiples proposent
d'accompagner la mondialisation libérale, voire d'en accélérer le
rythme (hymne au libre échange, aux opportunités de la globalisation
financière...) tout en prenant soin de maintenir, tant bien que mal,
les inégalités dans les pays développés à un niveau supportable. Dans
la marchandisation généralisée du monde, la «troisième voie» se
démarque essentiellement des idéologues libéraux par la volonté
d'«humaniser» le système, d'en atténuer un peu la brutalité.
La gauche dite moderne a donc choisi de s'adapter à la
logique du nouveau capitalisme financier transnational. À quelques
exceptions près, la plupart des socialistes européens – écartés du
pouvoir dans les années 1980 – se sont engagés dans un processus de
révision idéologique, renonçant à toute ambition de transformation
sociale radicale et intégrant à leurs programmes la majeure partie des
prescriptions économiques des libéraux : privatisation,
déréglementation, libéralisation des échanges, flexibilité du marché
travail, réduction des dépenses publiques et allégement des «charges»
fiscales et sociales.
Le XXe siècle s'est refermé sur un paradoxe politique
désastreux. En effet, à la fin des années 1990, la gauche reprend les
commandes dans de nombreux pays d'Europe. Il y avait là une occasion
historique : celle de réorienter la construction européenne, par
exemple en harmonisant par le haut les normes sociales et
environnementales, en coordonnant les politiques macroéconomiques au
service du plein-emploi, en s'alliant aux pays en développement pour
imposer la démocratisation des institutions financières
internationales. On sait ce qu'il advint malheureusement de cette
«séquence social démocrate», avec onze gouvernements «de gauche» sur 15
: ce fut, à l'arrivée, le traité d'Amsterdam (1999) et le traité de
Nice (2001), qui ont consacré comme intangibles des critères macro
économiques malthusiens pour la croissance, comme toute-puissante la
Banque Centrale Européenne et qui ont mis hors jeu les régulations
politiques de l'économie. L'élargissement de l'Europe s'est fait avant
tout approfondissement et les ambitions redistributrices ou sociales
ont été reléguées à une illusoire subsidiarité.
B- LES TENTATIONS CENTRISTES
En dépit de l'échec patent de la «troisième voie», certains persistent
à croire que le salut de la gauche viendra de la prise en compte de
certaines thèses libérales.
En France, les plus cohérents sont allés au bout de cette
démarche: à la faveur d'une élection présidentielle ratée, ils ont
rejoint le camp du gagnant, maquillant en «ouverture» ce qui n'était
que l'aboutissement logique de leur itinéraire idéologique. Plus
prudents, d'autres tentent de ressusciter le vieux rêve du centre
triomphant. Leur tour de force, c'est de faire passer cette idée
vieille de 100 ans pour une trouvaille majeure et même moderne : le
rassemblement des raisonnables, des tièdes et des modérés, pour
affronter les défis d'aujourd'hui, pour contrecarrer la violence d'un
système qui ne fera qu'une bouchée de leurs propositions
«gagnant/gagnant».
Naïveté ou double langage ? En tout cas, l'occultation des
rapports de forces à l'œuvre dans la société, le plaidoyer pour un
juste équilibre entre libéralisme et solidarité, se fracassent contre
la réalité économique et sociale marquée par l'explosion des inégalités
et la persistance d'une précarité de masse.
LES POINTS D'APPUI D'UNE GAUCHE VOLONTARISTE
Si l'on veut construire une alternative digne de ce nom, il faut penser
autrement. Nous sommes convaincus que, pour transformer la société
durablement, il faut des solutions radicales. Mais l'histoire nous a
appris les erreurs qu'il faut éviter de renouveler et qui ont conduit
par exemple à la chute rapide du Front Populaire, ou à la parenthèse de
1983 qui ne se referme pas. Les plus enthousiastes se tournent vers
l'Amérique latine et la renaissance, dans un contexte cependant
différent, d'une gauche volontariste et efficace. Il ne semble donc pas
qu'il y ait de véritable «modèle» pour une gauche de combat, mais la
convergence des contestations dans le contexte de l'actuelle
mondialisation représente un point d'appui pour des changements
radicaux.
Même multiforme, même désorganisée, cette contestation
fait tache d'huile. Depuis le rassemblement des ONG de défense de
l'environnement et d'aide au développement en marge du sommet de la
terre de Rio en 1992, jusqu'aux manifestations de Seattle, Porto
Alegre, Gênes, à l'organisation des Forums Sociaux Mondiaux, le
mouvement n'a cessé de s'élargir et de rencontrer un écho grandissant à
l'échelle internationale. Les femmes et les hommes qui les animent sont
venus à la contestation de la mondialisation libérale par des chemins
différents (refus des dégâts écologiques provoqués par les
multinationales, révolte contre la dette des pays du Sud et les
politiques du FMI, colère contre les délocalisations sauvages,
manifestations contre l'OMC), mais ils sont mus par un idéal commun,
celui de bâtir un autre monde.
Dans sa diversité, ce mouvement se retrouve sur des
exigences communes. Il se bat à la fois pour répondre à l'urgence
écologique (arrêter la destruction des ressources naturelles,
promouvoir un autre mode de développement), à l'urgence sociale (pour
éradiquer la pauvreté), à l'urgence économique (pour en finir avec la
marchandisation généralisée), à l'urgence démocratique (défense des
droits de l'homme, appel à une gouvernance mondiale).
C'est finalement la question même du sens de la
mondialisation que pose la critique radicale du libéralisme économique
faite par ce mouvement, qui a remporté des succès, comme lors du combat
contre l'AMI. Il promeut l'idée non d'un repli identitaire ou
nationaliste, mais d'une autre mondialisation. Il avance une plateforme
de propositions : salaires, retraites, protection de l'environnement,
exigences de protection, limites de la libre concurrence... Et, fait
capital, il réunit des citoyens du Nord comme du Sud.
Sans mythifier ce mouvement international de contestation
anti- libéral, il faut en retenir l'essentiel : il renvoie la gauche
politique à sa raison d'être, celle qui consiste à imaginer une
alternative globale au système dominant, tout en lui offrant un
formidable point d'appui. On peut aussi remarquer que, dans de nombreux
pays, les thématiques nées de cette gauche des luttes s'imposent de
plus en plus sur le terrain politique, comme en témoigne l'évolution
des débats qui dominent la présidentielle aux États-Unis (salaires,
sécurité sociale, santé, protection face à la globalisation, changement
climatique).
LA MONTÉE DES PROJETS ALTERNATIFS DÉBOUCHE
SUR LA NÉCESSITÉ D'UNE VRAIE RUPTURE AVEC
LA SOCIÉTÉ ACTUELLE ET SUR UNE DEMANDE DE SENS
Les contestations de l'ordre dominant, du capitalisme et du libre
échange sans règle prennent des formes nombreuses et variées. Elles
peuvent apparaître de moindre portée, car elles ne s'appuient pas sur
une critique et une vision glo- bale. C'est précisément l'enjeu de la
constitution d'une gauche mondiale que de faire converger des
mouvements locaux, des pratiques parfois en marge, mais aussi des
initiatives qui font tâche d'huile et dont une des caractéristiques est
de répondre en priorité aux besoins humains, à la préservation des
écosystèmes, en associant celles et ceux qui doivent en être les
bénéficiaires. Ces mouvements
créent des solidarités actives et des mouvements
collectifs. Les grands rassemblements comme les forums sociaux mondiaux
ont montré la vitalité de ces mouvements. À l'évidence, ils ont
impérativement besoin de prolongements politiques plus larges, tant au
niveau de la gouvernance mondiale qu'à l'échelle
nationale.
La Gauche se doit de mettre en valeur tous les mouvements de société montrant que des changements profonds sont :
• L'économie solidaire (avec la montée des besoins non totalement
solvables, des aides à la personne, du développement local), l'économie
sociale (moins vulnérable aux délocalisations) regagnent de la
crédibilité. Des expériences intéressantes de microcrédit, de réduction
des circuits «producteurs consom-
mateurs» ou des plateformes locales de dépollution et de
fourniture d'énergie se multiplient. Tous ces mouvements tendent à
faire naître une économie li- bérée de l'hyper-valorisation du capital,
non lucrative, créatrice d'emplois.
• Du côté des consommateurs, le souci de protéger les
écosystèmes génère une évolution des modes de vie et des gestes
citoyens porteurs d'une prise de conscience politique. On retrouve des
évolutions similaires en ce qui concerne de grandes fonctions
collectives comme la santé ou l'éducation.
• Pour l'essence même du capitalisme, c'est-à-dire la
monnaie, ces dernières années ont vu se développer des expériences de
monnaies sociales ou alternatives. Cela signifie logiquement que
l'échelle des valeurs qui fondent la notion de
richesse peut être modifiée.
• Le
développement d'Internet et de ses applications présentes et
prévisibles constitue une formidable révolution. On parle souvent des
«success-stories» des nouveaux groupes industriels constitués. On parle
moins du décloisonnement des esprits, des nouveaux réseaux d'échanges
et de solidarité, des médias
alternatifs...
C'est ainsi que
s'organisent, peu à peu et sans publicité intempestive, des millions
d'acteurs de la transformation sociale et d'une alter mondialisation
qui montrent la possibilité d'avènement d'un monde nouveau. La Gauche
doit offrir à ces citoyens actifs une reconnaissance, prendre en compte
leurs attentes et favoriser le développement de leurs initiatives. Elle
doit intégrer dans son projet cette dimension du changement, donnant un
sens plus large à leur engagement.
Lundi 05 Mai 2008 - 07:19
Marianne2
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