Raisonnons les apprentis sorciers de la finance, vite!
Raisonnons les apprentis sorciers de la finance, vite!
Après avoir joué avec les entreprises et les usines, après avoir
spéculé sur les prix du mètre carré à Londres, Paris, New York et
jusque dans le Middle West, voilà que nos docteurs Folamour de la
finance spéculent allègrement sur les matières premières. Pas seulement
sur le pétrole, le cuivre ou le nickel mais aussi et surtout sur le
riz, le blé, le soja. Nous revivons ce que nous avons vécu avec la
valeur des actions et des entreprises dans les années 90, et avec
l'immobilier au début du siècle.
A chaque fois, c'est peu ou prou le même scénario. Des
investisseurs avisés commencent à prendre position. Il s'agit
généralement de banques, de fonds d'investissement, de traders qui
anticipent sur ce qui va devenir la prochaine bulle. Les cours grimpent
doucement. Dans un second temps, les experts en tout genre commencent à
nous expliquer pourquoi ce type d'actifs ne peut que monter. Bref, on
théorise la hausse, ce qui appelle la hausse. Pour le plus grand profit
de cette finance mondiale, née de la déréglementation et de la
globalisation de l'économie, qui a besoin de gagner toujours plus et
surtout toujours plus vite. Grâce à la volatilité, qui est
consubstantielle à ce capitalisme financier. Dans un troisième temps,
les courbes de cours virent à l'asymptote, jusqu'à ce que la bulle
crève et que la finance porte son dévolu sur un autre secteur.
Après le massacre de l'industrie, la finance se penche sur l'immobilier
Tout ceci pourrait relever de l'anecdote, s'il s'agissait d'un simple
jeu entre des acteurs consentants et conscients des risques, comme cela
se passe au poker ou dans les casinos. On ne peut pas en dire autant de
nos financiers. Là, ils jouent avec la vie des autres, en se réfugiant
derrière cette main invisible des marchés, dont ils ne seraient que le
bras séculier. Ils ont commencé par démanteler les entreprises
industrielles, en se repassant leurs actifs et leurs usines de main en
main. Et en les revendant souvent à des Chinois, qui nous inondent
maintenant de leurs produits. Peu importe, qu'au passage, des millions
de salariés soient restés sur le carreau ! Ce n'est pas leur problème.
Après avoir cassé - entendez restructuré - les outils de
production, ils se sont portés sur l'immobilier. On nous a doctement
expliqué que, dans un marché mondialisé, la demande étant supérieure à
l'offre, les prix ne pouvaient que monter. Surtout là où le foncier
était limité. Résultat : les classes moyennes ont de plus en plus de
mal à se loger à des conditions compatibles avec leurs revenus. On les
a donc poussées à s'endetter pour des logements toujours plus éloignés
de leur travail.
Régulons la finance avant qu'il ne soit trop tard
Les financiers ont fait encore mieux. Ils ont indexé la consommation
sur la spéculation immobilière, en mutualisant les risques dans le
monde entier à travers les subprimes. De la belle ouvrage ! Car, comme
d'habitude, ce sont les Etats qui sont appelés au secours. En
attendant, des millions d'Américains et d'Européens se retrouvent avec
des logements qu'ils ont surpayés en se surendettant.
Et voilà maintenant que nos financiers vont gagner
beaucoup d'argent en spéculant sur le pétrole et les produits
alimentaires de base. Ce n'est pas de leur faute, nous disent-ils.
C'est celle des Chinois, des Indiens, des écologistes avec l'éthanol…
Bref, d'une demande qui explose. Sauf que c'est bien la spéculation des
marchés qui, depuis quelques mois, fait s'envoler les courbes. Au
risque, cette fois, d'affamer une partie de la planète. Oui, il serait
temps de réguler cette finance. Sinon, ce sera la Chine qui s'en
chargera, un jour ou l'autre. Et il n'est pas sûr que l'on gagne au
change.
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Samedi 19 Avril 2008 - 00:09
Jean-Michel Quatrepoint
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