Agoravox, la réponse d'un gentil citoyen-journaliste
Agoravox, la réponse d'un gentil citoyen-journaliste
UNe conférence des fondateurs d'Agoravox - tendencies - flickr - cc
La semaine dernière, JR publiait dans les colonnes de Marianne2.fr un article
mettant en cause un papier sorti sur AgoraVox. Ce papier, publié par un
nouveau rédacteur, faisait un état des lieux de la stratégie
industrielle du groupe Lagardère. La critique, considérant que cet
article n'était qu'un publi-reportage a largement débordé vers une mise
en cause d'AgoraVox, scruté d'un oeil pour le moins méfiant. J'apporte
par ce papier, la réponse d'un rédacteur et modérateur régulier de ce
site.
Une vision négative des médias-citoyens
Revenons au point de départ. L'article incriminé est-il un
publi-rédactionnel ? Peut-on y voir une forme de publicité – qui
pourrait, le cas échéant donner lieu à rétribution? Après l'avoir
longuement lu et relu, je n'y vois qu'un papier factuel sans grand
intérêt, mettant en avant le virage du groupe Lagardère, avec de
multiples comparaisons avec les ambitions du groupe Vivendi. Si cet
article ne parle effectivement pas des faiblesses stratégiques
actuelles du groupe (qui soit dit entre parenthèses ont déjà fait
l'objet de nombreux articles sur AgoraVox), il n'est pour autant pas un
panégyrique de Lagardère, groupe ou homme. Au demeurant, l'article a
été sanctionné par une large majorité des lecteurs et occasionné des
commentaires plus que mitigés. Si nous avions affaire à une opération
de communication, avec ou sans paiement à la clé, c'est manifestement
raté !
Mais, la critique du papier ne
s'arrête pas là. En effet, JR va dans un deuxième temps nous livrer une
vision plutôt négative des médias citoyens, et en particulier
d'Agoravox. La critique porte notamment sur le processus de validation
des articles soumis par les rédacteurs. Alors que dans les autres
médias «participatifs», la validation serait faite en fonction de
l'histoire de «journalistes professionnels», Agoravox semblerait avoir
un process plus mystérieux. Vraiment ?
Loin d'être un secret, le processus de
validation d'AgoraVox est public, explicité en page d'accueil du site.
AgoraVox donne non seulement la parole aux internautes à travers la
publication d'articles rédigés par ces derniers, plus de 30 000
inscrits à ce jour, dont un millier de rédacteurs réguliers. Mais
AgoraVox – et c'est le seul à le faire - intègre aussi les internautes
dans le processus de validation des articles, le millier évoqué ci
dessus. Les noms de l'équipe de validation interne à AgoraVox sont
donnés par le site. Le processus de choix des modérateurs est aussi
explicité de façon limpide. Aucun mystère donc.
Une conférence d'Agoravox - tendecies - flickr - cc.
Une critique corporatiste
Pourquoi alors un tel article dans Marianne2 ? Il semble que les buts
du journaliste sont multiples. D'une part, alerter les lecteurs sur ces
nouveaux modes de communication des entreprises, notamment ce qu'il est
convenu d'appeler la communication virale, une information qui se
propage de forums en blogs, sans vraiment faire appel aux techniques de
communiqués «officiels». Le sujet n'est pas neuf même s'il mérite
d'être mis régulièrement en lumière.
Il y a d'autre part une volonté de
mettre en doute l'impartialité d'AgoraVox. Or, le site ne fonctionne en
définitive que par la participation active des internautes. Pas de
ligne politique unifiée, diversité des points de vues, diversité des
types d'articles, voilà ce que les lecteurs peuvent retirer d'une
lecture régulière des papiers publiés. Les empoignades, parfois
virulentes qui prennent place dans les commentaires entre rédacteurs
reflètent bien ces faits. L'impartialité d'AgoraVox réside d'abord et
avant tout dans celle de ses lecteurs qui votent, commentent, écrivent,
modèrent. A moins que nous ne soyons des centaines de milliers à
travailler dans les boites de com ?
A mon avis, JR nous livre un sentiment
intime, bien que partagé par nombre de ses confrères. Ces nouveaux
médias d'information menacent-ils les médias traditionnels,
c'est-à-dire, ceux qui ont des «journalistes professionnels» dans leur
processus de validation ? Il est peut-être utile de se pencher un peu
sur cette affirmation de JR : la qualité d'un média repose en partie
sur le professionnalisme des «validateurs». Qu'est ce qui fait qu'un
professionnel soit une personne à même de juger, à l'exclusion des
autres ? L'éthique ? Chacun peut l'avoir. La talent de plume ? Le
sérieux dans les informations recherchées et publiées. Certains
“agoravoxiens” l'ont (Forest Ent, pour ne citer que lui) Où est le
problème ?
Je suis bien conscient de n'être pas
un journaliste professionnel. J'ai pourtant le sentiment, pour ne pas
dire la conviction, que je suis à même d'exercer cette fonction de
modérateur. Je sais que c'est un travail exigeant, qui demande du temps
et de l'éthique, j'ai eu l'occasion de m'en expliquer publiquement,
déjà. Je ne diffère pas vraiment, je crois, des autres “agoravoxiens”
qui, eux aussi, consacrent du temps à la lecture - et à la modération
qui doit être justifiée par un commentaire - des articles écrits par
d'autres. Ce temps que nous consacrons, nous le faisons parce que nous
sommes convaincus de la nécessité d'un contrôle citoyen partout où cela
est possible. AgoraVox nous accorde cette place, et nous devrions la
refuser au prétexte que nous ne sommes pas des pros ? Quelle folie
serait-ce donc !
Bien sur, nous ne sommes pas à l'abri
d'erreurs. Certains papiers sont passés sur AgoraVox et ont fait
l'objet de polémiques. Il est aussi fort possible que d'autres aient
été rejetés par les modérateurs sans raisons solides. Mais nous
progressons collectivement. Les outils s'améliorent, l'expérience
apporte ses gains. AgoraVox est en croissance et l'avenir proche nous
amènera des changements profonds.
Bien sûr, il est aussi normal que tout
cela se fasse sous l'œil vigilant des autres médias d'information. La
critique est la bienvenue. Et je n'ai jamais considéré la complaisance
comme un cadeau, mais plutôt comme un mauvais coup. Pour ma part, je
m'efforce d'exercer mes fonctions au vu de toutes et tous sur AgoraVox.
Nombre de remarques m'ont amené à évoluer. Mais la critique, pour être
constructive, doit être juste et fondée.
Le monde de la presse est en pleine
mutation, l'irruption des médias citoyens est en train de changer la
donne. La parole d'information, autrefois apanage des journalistes et
des politiques, est désormais accessible à toutes et tous. Cette
tendance lourde ne sera sans doute pas remise en cause, même si le
système naissant mérite des améliorations constantes. Les médias
traditionnels doivent dès maintenant préparer leur adaptation à ce
fait. Et ce n'est pas en lançant des critiques faciles et en
définitive, non justifiées, que cette adaptation se fera à leur
bénéfice.
Dimanche 06 Avril 2008 - 00:15
Manuel Atréide
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