Alsace Mulhouse, Bâle, Fribourg : trois bilans constrastés pour la gestion des déchets
Championne
d’Allemagne dans le domaine de la valorisation des ordures ménagères,
Fribourg recycle 66 % des déchets, contre 42 % à Bâle et 26 % à
Mulhouse.
Depuis que la collecte sélective à domicile a été
étendue aux déchets de cuisine biodégradables, les Fribourgeois ne
produisent plus que 130 kg par an de déchets incinérés, contre 170 kg
pour les Bâlois et 382 kg pour les Mulhousiens.
Pionnière en
France de l’apport volontaire du verre et du papier, il y a vingt ans,
Mulhouse s’apprête à généraliser progressivement, d’ici 2011, la
collecte sélective à domicile et doubler ainsi la part des déchets
recyclés.
Mais, contrairement à Bâle et Fribourg, à Mulhouse il
n’est pas (encore) question d’instaurer un système de taxe d’enlèvement
des ordures ménagères, qui inciterait au tri et pénaliserait les
citoyens peu soucieux de l’environnement.
Bâle : pollueur = payeur - Mulhouse : de l'apport volontaire à la collecte sélective - Fribourg : champion du tri-recyclage
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Bouche d’un conteneur enterré pour le recyclage du verre vert.
Il
n’y a pas de taxe d’enlèvement des ordures à Bâle. Ce choix politique
s’est traduit par une solution technique validant le principe du
pollueur-payeur.
On l’appelle le « Bebbi Sagg » en dialecte bâlois. Le sac des « Bebbis
» (le surnom des Bâlois) est la poubelle des ordures ménagères
destinées à l’incinération. C’est le seul récipient autorisé. Et pour
cause : le prix de vente du « Bebbi Sagg », qui a rapporté 9 millions
FS l’an dernier, est la seule source de financement de ce service
public. Depuis 1993, les Bâlois paient le ramassage à domicile, deux
fois par semaine, en fonction du nombre de sacs utilisés. « Le principe du pollueur-payeur est efficace », signale Alexander Isenburg, directeur du service de propreté urbaine de Bâle-Ville. « L’instauration du Bebbi Sagg a fait passer la collecte de déchets incinérés de 380 kg à 170 kg par habitant ».
Le
papier et le carton, triés séparément en tas obligatoirement ficelés,
sont collectés le mercredi, tout comme les objets en métal (de moins de
2 m). Globalement, 42 % des déchets sont recyclés (100 kg par habitant)
et 58 % éliminés dans l’incinérateur situé à la frontière française.
Confronté
à un déficit chronique (5 millions FS/an) du système de ramassage, le
gouvernement de Bâle-Ville a décrété une hausse (+20%) du « Bebbi-Sagg
», la première en 15 ans. Depuis le 1er décembre, il coûte
2,30 FS (35 l) ou 3,30 FS (60 l). Les Bâlois qui utilisent deux sacs de
60 l par semaine paieront 343 FS par an (220 €), mais seulement 242 FS
(153€) s’ils limitent leur production de déchets à deux sacs de 35 l
par semaine.
Ce système vertueux a un effet pervers : les Bâlois
entassent les ordures, alourdissant les sacs dont le poids maximum
autorisé est de 20 kg. Cela rend plus pénible le travail de l’éboueur
qui doit soulever 10 t par tournée.
Un inspecteur des ordures
La
collecte des autres déchets s’effectue par apport volontaire vers une
cinquantaine de stations de recyclage où l’on trouve des conteneurs
pour les différents verres (blanc, vert, brun), mais aussi pour les
boîtes et autres emballages en aluminium ainsi que pour les piles. En
Suisse, la tendance est à l’installation de conteneurs enterrés. Les
bouteilles en plastique sont collectées sur les lieux de vente.
Il
n’y a que deux déchetteries (Recyclingparks) à Bâle. Cela explique sans
doute les dépôts sauvages sur les trottoirs d’objets encombrants
(matelas, canapés, appareils ménagers, etc) dont l’enlèvement à
domicile est facturé 15 FS par objet. Un poste d’inspecteur des ordures
(Abfallfahnder) a été créé il y a cinq ans pour traquer les
contrevenants passibles d’une amende de 200 FS. Pour juguler le «
littering », considéré comme une « plaie », trois collectes gratuites à
domicile d’objets encombrants figureront, à partir de 2009, au « calendrier officiel » du ramassage distribué dans les foyers.
Le 20/12/08 à 07:08 - Textes : Adrien Dentz Photos : Denis Sollier
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Objectif 2010: des bacs sur roulettes au lieu des sacs.
20
ans après avoir été une pionnière en France du recyclage par apport
volontaire, Mulhouse s’apprête à généraliser la collecte sélective des
ordures ménagères.
Une révolution des
mentalités est en marche à Mulhouse. Depuis octobre 2007, une collecte
sélective est organisée dans le quartier de Dornach. Les ordures
ménagères destinées à l’incinération sont ramassées deux fois par
semaine dans des bacs bleus sur roulettes (fournis gratuitement). Les
déchets recyclés (papier, carton, bouteilles en plastique) sont
collectés le mercredi dans des sacs jaunes translucides (également
gratuits). « Le test est concluant », souligne Christian Nazon, directeur général de la Camsa. « Le taux des déchets recyclés a doublé »,
passant de 26 à 52 %, soit la même proportion que dans les dix communes
du Bassin potassique où la collecte sélective est appliquée depuis
plusieurs années. Elle sera étendue, mais en 2010 seulement, dans toute
la ville, à l’exception du centre historique où l’on envisage
d’installer, à partir de 2011, des centres de regroupement avec des
conteneurs enterrés.
Mulhouse s’était, longtemps, distinguée comme « bonne élève »
en matière d’apport volontaire du verre et du papier-carton vers des
conteneurs de récupération installés à la fin des années 1980, puis
étendu aux bouteilles en plastique il y a une dizaine d’années. Ce
système basé sur la motivation, inégalement répartie au sein de la
population, a atteint ses limites.
Pas d’incitation financière au tri
Actuellement,
chaque Mulhousien produit 343 kg de déchets incinérés par an. Par
ailleurs, l’apport volontaire génère 144 kg/an de déchets recyclés par
habitant. Le ramassage des ordures ménagères dans la Camsa mobilise 112
agents municipaux (76 éboueurs, 36 chauffeurs pour 22 camions bennes).
Le passage des sacs poubelles pas toujours « clean » (poids maxi
autorisé : 20 kg) aux bacs sur roulettes de 160 l (on a prévu grand)
réduira la pénibilité du travail des éboueurs qui portent aujourd’hui
de quatre à dix tonnes de déchets par tournée. On les voit souvent
courir derrière les bennes, car le temps de travail (7 h 45 par
tournée) est régi par le principe du fini quitte, une spécificité
française.
Le nouveau système de collecte ne prévoit pas
d’incitation financière en fonction du poids ou du volume. Une décision
politique prise au nom de « l’équité ». Ainsi, le citoyen vertueux qui
s’efforce de trier ses déchets ne paiera pas moins que le citoyen peu
scrupuleux de l’environnement.
En hausse chaque année, la taxe
d’enlèvement des ordures (180 € en moyenne à Mulhouse) reste uniquement
assise sur la valeur locative du logement. À quand une facturation
incitative au tri ?
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Le service de ramassage de Fribourg dispose d’un parc de 50 camions bennes.
Capitale
autoproclamée de l’écologie en Allemagne, Fribourg a instauré un
système de collecte contraignant et coûteux, mais qui assure un
rendement record.
Avec un taux de recyclage de
66 %, Fribourg est sans doute champion d’Allemagne de la valorisation
des ordures ménagères. En 15 ans, la part des déchets incinérés est
tombée de 75 à 34 % seulement. Les 218 000 Fribourgeois ne produisent
que 130 kg de « Restmüll » (déchets non-recyclables) par an. Le volume
global (382 kg/an par habitant, y compris les objets encombrants) n’a
pas baissé, mais le tri a fait un grand bond. Pour arriver à ce
résultat exemplaire, Fribourg a étendu, depuis 2001, la collecte
sélective à domicile aux déchets de cuisine. Ces restes biodégradables
sont collectés une fois par semaine dans un bac brun pour les
particuliers et des conteneurs pour les restaurants. 14 000 t de
déchets biodégradables (76 kg par habitant) ont été utilisées, l’an
dernier, pour la production de méthane.
La « Biotonne » s’est
rajoutée aux poubelles grises (déchets incinérés) et poubelles vertes
(papier-carton). La valse des poubelles en trois couleurs alterne avec
le ramassage du sac jaune translucide pour les bouteilles plastique et
autres emballages à point vert). Seul le verre n’est pas collecté à
domicile.
« Notre système est coûteux mais équitable »,
explique Michael Broglin, le directeur de l’ASF, la société semi-privée
chargée de la propreté urbaine qui affiche un chiffre d’affaires de 30
millions d’euros et emploie 263 personnes. L’écologie et l’économie
font bon ménage : « Nous faisons du bénéfice », signale Michael Broglin.
Le prix de la bonne conscience écologique
À
Fribourg, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (qui a été
augmenté de 52 % en 2006) est composée d’un élément fixe (entre 92 €
pour une personne et 158 € pour un foyer de cinq personnes et plus) et
d’un élément variable selon la taille de la poubelle grise (de 68 à 271
€) pour un ramassage hebdomadaire. Ce tarif est réduit de moitié si on
opte pour un ramassage tous les 15 jours. En raison de la baisse des
déchets incinérés, Fribourg a introduit des petits bacs de 35 l. Dans
les immeubles, on peut constituer des « communautés » de conteneurs
qu’on ouvre avec une puce électronique et qui seront bientôt équipés
d’un GPS pour contrôler le remplissage à distance…
Pour un foyer
de quatre personnes ayant opté pour une poubelle grise de 60 l et un
ramassage hebdomadaire, la taxe annuelle s’élève à 250 €. Une personne
seule avec une poubelle de 60 l vidée tous les 15 jours paie 160 €.
C’est le prix de la bonne conscience écologique. À ce prix, un camion
équipé d’un système de lavage vient nettoyer les « Biotonne » à
domicile deux fois par an.
Retrouvez moi : http://monmulhouse.canalblog.com/