Délinquance infantile: Lefebvre recycle les vieilles lunes de la droite
Délinquance infantile: Lefebvre recycle les vieilles lunes de la droite
FlickR CC / Belzie
La proposition de Frédéric Lefebvre de dépister les « troubles comportementaux » des enfants dès 3 ans ? « Une vieille lune de la droite »,
soupire-t-on dans les syndicats de magistrats. De fait, l'UMP a connu
quelques précédents de déclarations fracassantes et autres
recommandations déterministes visant à voir dès le plus jeune âge les
germes de la délinquance. Sans même parler de l’entretien du candidat
Sarkozy avec Michel Onfray où le premier situait l’origine de la
pédophilie dans les gênes, les juristes se souviennent avec émotion du rapport Bénisti (député UMP du Val-de-Marne), présenté au ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin en octobre 2004.
Des pédopsychiatres partout
Dénoncé
à l’époque par la Ligue des droits de l’homme, le PS et de nombreuses
associations, le texte du député du Val-de-Marne présentait aimablement
l’échec des politiques de lutte contre la délinquance et recommandait
d’agir « au plus tôt » : « Les actions à promulguer entre
3 et 6 ans ou entre 6 et 12 ans sont nettement moins lourdes à mettre
en œuvre que celles qui devront être mises en place à l’adolescence »,
soulignait le rapport. Un joli graphique (voir ci-dessous) situait
entre deux ans et trois ans et demi l'âge des premiers problèmes
d’insertion dans la société (difficultés à s’exprimer en français)
menant directement, selon le même document, au braquage à main armée et
au trafic de drogues dures.
Graphique de la délinquance, du berceau aux barreaux. Extrait du rapport.
Entre trois et six ans, le texte recommandait «
des suivis sanitaires et médicaux réguliers […] dans les structures de
garde de la petite enfance pour détecter et prendre en charge dès le
plus jeune âge, ceux qui montrent des troubles comportementaux. »
Autrement dit, presque mot pour mot, la proposition faite par Frédéric
Lefebvre lundi 1er décembre. Une fois les troubles détectés, les
collectivités locales étaient invitées à mettre en place un « comité de coordination, d’aide et de suivi de l’enfant », des pédopsychiatres étant chargés d'intégrer et former les structures d’encadrement de la petite enfance.
Secret professionnel et « difficultés de valeur » à réviser
Parallèlement
à cette généralisation de la pédopsychiatrie, le rapport recommandait
en sixième proposition une étrange redéfinition de « la notion de secret professionnel »,
sans doute en lien avec les innombrables injonctions à la mise en place
d’une communication plus étroite entre personnels médicaux et référents
de l’enfant…
La composition de la commission. Extrait du rapport.
Toujours dans ce rapport Bénisti, en page 17, un charmant paragraphe explique qu’afin de contrer les « difficultés de valeur » qui empêchent les législateurs de sécuriser à tout va, il serait bon de «
mettre en place des outils statistiques fiables et indiscutables qui
permettent de montrer de façon objectif (sic !) et irréfutable les
difficultés et les actions à mettre en œuvre sans que les valeurs
propres à chacun ne viennent interférer. »
Un casting de choc préfigurant l’UMP sarkozyste
A
l’époque de sa publication, le rapport avait fait un certain bruit du
fait des parallèles nauséabonds entre bilinguisme et délinquance : dans
sa version initiale, le rapport soulignait que le fait que la mère ne
parle pas la langue française constituait le point de départ d’une
exclusion sociale menant à la délinquance, désignant même la langue du
pays de provenance comme « patois du pays ».
Cependant,
Frédéric Lefebvre n'aura aucun mal à faire valoir ses propositions au
sein de l'UMP : les membres de la commission en charge du rapport
Bénisti ont, depuis, pris du galon. Parmi eux : Christine Boutin, Chantal Brunel
(actuellement porte parole du groupe), Christian Estrosi (troisième
vice-président) et quelques grandes figures parlementaires comme Eric Raoult et Lionnel Luca , Guy Geoffroy (promoteur des centres éducatifs fermés), et Christian Vanneste
(récemment blanchi d’une accusation de propos homophobes). Idem pour
les personnes auditionnées : Jacques Crémadeills et David Teillet (à
l’époque chargé de mission et conseiller technique au cabinet de Xavier
Darcos) et une certaine Rachida Dati, alors conseillère technique au
cabinet de Nicolas Sarkozy.
Mercredi 03 Décembre 2008 - 18:02
Sylvain Lapoix
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