Riches, décomplexés… et toujours pas contents
Riches, décomplexés… et toujours pas contents
cc flickr Tracy O
Après une immersion dans le monde des travailleurs pauvres, le journaliste Jacques Cotta s'est plongé dans l'univers des Riches et presque décomplexés
(Fayard). Une enquête qui démarre du côté de Courtrai, à la frontière
franco-belge, à l'occasion d'un salon des millionnaires : «
On peut y acheter des îles, des maisons dans l'eau à Dubaï ou, pour
rester raisonnable, une villa à Marbella pour un prix de base à trois
millions d'euros. Ils sont 9,5 millions à posséder plus que le million
de dollars sur la planète, 389 000 dans l'hexagone. Mais dans leur
monde, sur leur planète, ces mêmes fortunés font dans la démesure. Ils
s'affirment, se confient, veulent prouver que sur leur terrain, celui
de la richesse, rien ni personne ne peut leur résister».
Pourtant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes des riches. La crise ? Ce n'est pas le problème essentiel. Si le livre a été rédigé avant la crise financière, Jacques Cotta explique que « Les crises qui défrayent la chronique, boursières, sociales, économiques, ne semblent pas vraiment les affecter ».
Bref, ces gens là, vont plutôt bien. Merci pour eux. Mais, un problème
les tracasse quand même. Presque d'ordre psychologique. En fait,
confrontés parfois à la réalité, nos riches seraient presque complexés
d'être riches, et entonnent un discours gêné.
C'est vrai : comment vivre sereinement dans le stupre, la
luxure, la débauche avec cette réalité de misère qui revient par la
fenêtre quand on la fout à la porte? Encore la faute à ces salauds de
pauvres !
Sexe, fringues et belles bagnoles
Cotta s'est donc frotté à cet autre monde, des gestionnaires de fonds
dont les rémunérations sont passées en dix ans des francs aux euros
sans que le chiffre change, des banquiers discrets qui cachent leur
fortune, aux grands patrons flambeurs qui chaque année s'accordent des
augmentations à deux chiffres (Bolloré : 4,2 millions d'euros/ an soit
une hausse de 56%, Thierry de la tour d'Artaise, Patron de Seb : +59%),
rappelant au passage le salaire de Jacques Calvet, le patron de
Peugeot, révélé en 1989 par le Canard Enchainé,
qui s'élevait à 2,2 millions de francs, soit 450.000 euros. Une misère.
L'affaire avait fait scandale. Aujourd'hui, Calvet passerait pour un
smicard du patronat. L'ancien journaliste de Radio-France est également
allé promener ses guêtres du côté de la caste très fermée de la «
racing family ». Le club de sport ultra huppé racheté en 2006 par
Arnaud Lagardère. Un endroit tranquille et paisible où l'arrivée du
groupe Lagardère et ses projets mercantiles orientés vers le sport de
très haut niveau et ses méthodes de marketeux ont du mal à passer.
Un chapitre est également consacré aux
« gosses de riches »: sexe, fringues et belles bagnoles… des parents.
Savoureux, mais mieux vaut les avoir en photo, comme dirait l'autre.
C'est d'ailleurs parfois le choix des parents, qui laissent leurs ados
vivre, seuls, leur vie de débauche facile. Le malheur d'être riche,
c'est bien qu'il faut vivre avec des gens riches.
Faire barrage au système générateur d'une poignée de fortunes
C'est dans les entrailles des cercles très réservés des élites, là où
la réussite se construit en réseau, qu'apparaît le versant politique de
son projet. Car c'est dans ces petits milieux que le comportement de
Nicolas Sarkozy a le plus dérouté. «
Lorsque, au lendemain, de son élection, Nicolas Sarkozy a inauguré le
style « bling bling », vantant une droite et un argent décomplexés,
donnant lui-même l'exemple sans hésitation, la surprise a été générale
» écrit Jacques Cotta. Surprise agréable quand même : «
Le nouveau président a laissé libre cours à des penchants naturels et
des envies avouées, mais il a aussi répondu à sa base électorale qui
dans les cercles et clubs s'impatientait contre les retenus de son
prédécesseur ». Une richesse décomplexée qui affiche ses
privilèges en faisant la chasse aux « privilèges » des autres :
fonctionnaires privilégiés de l'emploi, vieux privilégiés de la santé,
postiers, agents d'EDF privilégiés des services publics etc.
Une violence symbolique pour ceux
qui ont vu leur quotidien se dégrader, qui avaient cru au « gagner plus
» mais qui n'ont aperçu que le « travailler plus ». Le journaliste en
appelle aux valeurs du Conseil National de la Résistance pour faire
barrage au
« renforcement du système générateur d'une poignée de fortunes et d'un
cortège de misère qui est organisé, dans une régression dont on a
encore du mal à comprendre toutes les données ». Le livre de Jacques Cotta aidera à les identifier.
Samedi 25 Octobre 2008 - 10:34
Régis Soubrouillard
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