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Mon Mulhouse3
1 octobre 2008

Budget 2009 : au lieu de la relance, la rigueur

Budget 2009 : au lieu de la relance, la rigueur

Par Guillaume Duval, rédacteur en chef d'«Alternatives économiques». Malgré la dégradation de la situation économique, la politique budgétaire ne soutiendra pas l'activité l'an prochain. Elle sera même plutôt restrictive.



Budget 2009 : au lieu de la relance, la rigueur

 

« Ni plan de relance ni plan d'austérité. » Telle est la posture affichée officiellement par François Fillon à l'ouverture de la saison budgétaire qui va voir se succéder, au cours des prochaines semaines, le débat sur le budget de l'Etat et celui autour du budget de la Sécurité sociale. Malgré la gravité de la situation économique, il n'y a en effet aucun plan de relance en vue. En revanche, la rigueur semble bien au rendez-vous.

Tout d'abord, avant même que les nouvelles difficultés de la sphère financière fassent sentir leurs effets sur l'économie réelle, l'ampleur du ralentissement de l'économie se confirme. L'Insee a dû corriger à la hausse ses premières estimations de pertes d'emplois sur le deuxième trimestre, passant de - 12 000 à - 29 000 emplois dans le secteur marchand. Le chômage a bondi de quasiment 40 000 personnes au mois d'août dernier. Et les différents organismes de conjoncture n'arrêtent pas de réviser, à la baisse cette fois, leurs prévisions pour la France et l'Europe. Les seize principaux instituts français n'anticipent plus que 1 % de croissance en 2008 et 0,8 % l'an prochain.

Dans de telles circonstances, on sait depuis la crise de 1929 qu'un soutien public à l'activité est nécessaire pour contrer la dynamique récessive. Sinon, elle risque de s'autorenforcer : voyant que les consommateurs n'achètent plus, les entreprises cessent d'investir et licencient, ce qui aggrave encore le recul de la consommation... Mais, dans le cas de la France, se pose un sérieux problème : les marges de manœuvre qui auraient permis un tel soutien à l'activité ont déjà été utilisées à l'été 2007, au moment où la croissance était encore forte, avec le fameux « paquet fiscal ». Du coup, nous sommes déjà en butée vis-à-vis des règles fixées aux pays de l'Union européenne par le pacte de stabilité (pas plus de 3 % du PIB pour les déficits publics). Et le gouvernement entend respecter cette limite au moment où la France préside l'Union.

Ceinture  !
Exit donc la relance. Mais évitera-t-on au moins la rigueur ? Pas vraiment. Côté dépenses, le gouvernement entend accentuer le recul de l'Etat, engagé depuis déjà plusieurs années. L'ensemble de ses dépenses devrait atteindre 279 milliards d'euros en 2009, contre 271 milliards d'euros prévus cette année, soit une progression de 2,7 %, équivalente à une baisse en termes réels, une fois l'inflation prise en compte : elle est en effet toujours supérieure à 3 % pour l'instant.

Malgré la dégradation du marché du travail, les dépenses pour l'emploi sont ramenées à 11,8 milliards d'euros contre 12,5 milliards cette année. Même le Revenu de solidarité active (RSA) n'aura, malgré les débats passionnés qu'il suscite, que des effets limités en termes de redistribution : généralisé à l'été, il ne devrait représenter que 750 millions d'euros l'an prochain et, dans certains cas, la situation financière de ceux qui le recevront se dégradera même un peu au cours de la première année par rapport à la situation actuelle, compte tenu de la disparition de la prime au retour à l'emploi.

Parallèlement, le budget de l'environnement ne devrait passer que de 9 milliards d'euros à 10 milliards d'euros. Les multiples engagements pris lors du Grenelle de l'environnement et confirmés dans la loi en cours de discussion au Parlement ne trouveront donc guère de traduction dans le budget 2009.

Plus grave encore du point de vue de la conjoncture immédiate, le budget du logement et de la ville devrait perdre 500 millions (- 6 %) en dépit des difficultés nouvelles du secteur de la construction. Quant à la recherche et à l'enseignement supérieur, l'enveloppe qui leur est consacrée ne progressera que de 3,4 %, soit une stagnation de fait malgré tous les discours. La multiplication des tensions internationales n'empêchera pas non plus le budget de la défense d'être mis lui aussi à la diète, avec 1,4 % de hausse. Enfin, bien que les transferts de responsabilités de l'Etat aux collectivités locales se soient multipliés ces dernières années, les transferts de recettes correspondantes ne devraient progresser que de 51,2 milliards à 52,3 milliards l'an prochain, soit de nouveau une baisse en termes réels. Le seul poste important qui augmente nettement est celui... des intérêts de la dette publique : il passe de 42,8 milliards d'euros en 2008 à 46,0 milliards l'an prochain, + 7,5 %.


Budget 2009 : au lieu de la relance, la rigueur

 

 


Nouvelle baisse des effectifs publics
Le gouvernement entend également accentuer la baisse des effectifs de l'Etat malgré le retournement du marché du travail : 30 529 emplois devraient être supprimés en 2009 sur 2 201 000, contre 22 900 cette année. Principaux concernés : les enseignants. L'Education nationale perdra 13 500 postes. L'enseignement supérieur et la recherche, soi-disant prioritaires, se voient eux aussi privés de 450 emplois. Le ministère de l'Ecologie, théoriquement chargé de tous les espoirs de « croissance verte », paie également un lourd tribut : - 1 400 postes. En proportion des effectifs, la saignée est même plus importante que dans l'Education. Seules exceptions : la Justice, qui gagne 512 postes, et... les services du Premier ministre.

Enfin, ce n'est pas grâce aux salaires qu'il va distribuer que l'Etat soutiendra l'activité économique : la masse salariale devrait passer de 85,8 milliards budgétés cette année à 86,1 milliards l'an prochain, soit 0,3 % de hausse. Même en prenant en compte les réductions d'effectifs, on n'aboutit qu'à une hausse moyenne par tête de 1,7 %. L'Etat ne prévoit manifestement même pas de maintenir le pouvoir d'achat de ses salariés...

Côté recettes, la fête des baisses d'impôts est bien finie. Seule nouveauté en la matière : la suppression sur trois ans de l'impôt forfaitaire annuel (IFA) sur les entreprises, une avance déductible de l'impôt sur les sociétés. L'impact en sera cependant très faible l'an prochain. Et dans le même temps, les entreprises devront financer l'extension à toute la France de la prime transports qui existe déjà en région parisienne : elles devront payer à leurs salariés la moitié des abonnements de transports en commun. Pour leur part, les ménages employeurs verront la réduction des charges sociales dont ils bénéficient ramenée de 15 % à 10 %.

Quant au RSA, il sera financé par un prélèvement de 1,1 % sur les revenus du capital. Une mesure complétée par un plafonnement de ce qu'on appelle les « niches fiscales » : il s'agit des multiples dispositifs qui permettent de réduire substantiellement son impôt, au point que nombre des plus riches contribuables parviennent au final à ne payer aucun impôt sur le revenu [1]. Mais la barre sera placée très haut : il est question d'un plafond de réduction d'impôts à 50 000 euros... A ce niveau, seuls quelques milliers de personnes seront concernées et la mesure ne rapportera que quelques centaines de millions d'euros à l'Etat. Et comme elle ne s'appliquera qu'aux déclarations 2009, elle n'aura de toute façon aucun impact budgétaire l'an prochain. Même limitées, de telles mesures vont dans le bon sens en termes d'équité, après les multiples réformes qui ont profité surtout aux plus aisés ces dernières années. Elles n'en concourent pas moins à rendre aussi plus restrictive la politique budgétaire.

Sécu : ponctions autoritaires
L'Etat n'est toutefois plus le plus gros morceau en termes de politique budgétaire : les dépenses de la protection sociale pèsent 1,7 fois plus que le budget de l'Etat. A ce niveau également, la rigueur est à l'ordre du jour. Le gouvernement a déjà décidé unilatéralement d'une hausse des cotisations de retraite au 1er janvier 2009, pour récupérer de l'ordre de 1,5 milliards d'euros supplémentaires. Initialement cette hausse devait être compensée par une baisse des cotisations chômage, mais compte tenu de la dégradation du marché du travail, celle-ci n'est plus assurée. Au contraire, il est même probable que les conditions d'indemnisation des chômeurs se durcissent. De plus, la hausse des cotisations retraite n'empêche pas que les retraités continuent par ailleurs de perdre du pouvoir d'achat. Quant à la forte hausse du minimum vieillesse promise par Nicolas Sarkozy d'ici à la fin de son mandat, l'horizon de sa mise en œuvre effective ne cesse de reculer...

Côté maladie, les mutuelles et les assurances vont être taxées de 3 % de leur chiffre d'affaires, pour récolter 1 milliard d'euros supplémentaires. Et de nouvelles restrictions dans la prise en charge des dépenses sont annoncées pour l'an prochain, après la mise en œuvre des franchises médicales cette année.

Enfin, les versements effectués par les entreprises au titre de la participation et de l'intéressement, jusqu'ici totalement exonérés de cotisations, vont commencer à être taxés pour renflouer la Sécu. S'attaquer aux « niches sociales », c'est-à-dire aux multiples dispositifs qui autorisent à verser des rémunérations sans payer de cotisations sociales, représente, là aussi, une rupture bienvenue avec les politiques menées jusqu'ici. Notamment avec le dernier dispositif en date, et un des plus coûteux pour la Sécu : la détaxation des heures supplémentaires décidée à l'été 2007. Mais, dans le contexte actuel, de telles mesures concourent également à une politique plus restrictive sur le plan macroéconomique...

Limitation des dépenses d'un côté et hausse des prélèvements de l'autre, il s'agit bien d'une politique de rigueur. Ceci dit, le déni gouvernemental n'est pas purement factice. La droite cherche à éviter un coup de frein trop brutal car elle a tiré les leçons des erreurs d'Alain Juppé et de Jacques Chirac en 1995. En voulant rétablir l'équilibre budgétaire à court terme en pleine période de marasme pour satisfaire aux critères de Maastricht, ils avaient à l'époque sensiblement freiné l'économie. Et, au final, alourdi les déficits publics au lieu de les alléger. Tout en facilitant également le retour de la gauche au pouvoir en 1997... Nicolas Sarkozy et François Fillon espèrent jouer plus fin.

Cette chronique a été publiée sur Alternatives Economiques .

Notes
(1) Voir « Comment payer moins d'impôts... »,
Alternatives Economiques n° 272, septembre 2008, disponible dans nos archives en ligne.


Mardi 30 Septembre 2008 - 12:08

Guillaume Duval

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