Budget 2009 : au lieu de la relance, la rigueur
Budget 2009 : au lieu de la relance, la rigueur
« Ni plan de relance ni plan d'austérité. » Telle
est la posture affichée officiellement par François Fillon à
l'ouverture de la saison budgétaire qui va voir se succéder, au cours
des prochaines semaines, le débat sur le budget de l'Etat et celui
autour du budget de la Sécurité sociale. Malgré la gravité de la
situation économique, il n'y a en effet aucun plan de relance en vue.
En revanche, la rigueur semble bien au rendez-vous.
Tout d'abord, avant même que les
nouvelles difficultés de la sphère financière fassent sentir leurs
effets sur l'économie réelle, l'ampleur du ralentissement de l'économie
se confirme. L'Insee a dû corriger à la hausse ses premières
estimations de pertes d'emplois sur le deuxième trimestre, passant de -
12 000 à - 29 000 emplois dans le secteur marchand. Le chômage a bondi
de quasiment 40 000 personnes au mois d'août dernier. Et les différents
organismes de conjoncture n'arrêtent pas de réviser, à la baisse cette
fois, leurs prévisions pour la France et l'Europe. Les seize principaux
instituts français n'anticipent plus que 1 % de croissance en 2008 et
0,8 % l'an prochain.
Dans de telles circonstances, on sait
depuis la crise de 1929 qu'un soutien public à l'activité est
nécessaire pour contrer la dynamique récessive. Sinon, elle risque de
s'autorenforcer : voyant que les consommateurs n'achètent plus, les
entreprises cessent d'investir et licencient, ce qui aggrave encore le
recul de la consommation... Mais, dans le cas de la France, se pose un
sérieux problème : les marges de manœuvre qui auraient permis un tel
soutien à l'activité ont déjà été utilisées à l'été 2007, au moment où
la croissance était encore forte, avec le fameux « paquet fiscal ». Du
coup, nous sommes déjà en butée vis-à-vis des règles fixées aux pays de
l'Union européenne par le pacte de stabilité (pas plus de 3 % du PIB
pour les déficits publics). Et le gouvernement entend respecter cette
limite au moment où la France préside l'Union.
Ceinture !
Exit
donc la relance. Mais évitera-t-on au moins la rigueur ? Pas vraiment.
Côté dépenses, le gouvernement entend accentuer le recul de l'Etat,
engagé depuis déjà plusieurs années. L'ensemble de ses dépenses devrait
atteindre 279 milliards d'euros en 2009, contre 271 milliards d'euros
prévus cette année, soit une progression de 2,7 %, équivalente à une
baisse en termes réels, une fois l'inflation prise en compte : elle est
en effet toujours supérieure à 3 % pour l'instant.
Malgré la dégradation du marché du
travail, les dépenses pour l'emploi sont ramenées à 11,8 milliards
d'euros contre 12,5 milliards cette année. Même le Revenu de solidarité
active (RSA) n'aura, malgré les débats passionnés qu'il suscite, que
des effets limités en termes de redistribution : généralisé à l'été, il
ne devrait représenter que 750 millions d'euros l'an prochain et, dans
certains cas, la situation financière de ceux qui le recevront se
dégradera même un peu au cours de la première année par rapport à la
situation actuelle, compte tenu de la disparition de la prime au retour
à l'emploi.
Parallèlement, le budget de
l'environnement ne devrait passer que de 9 milliards d'euros à 10
milliards d'euros. Les multiples engagements pris lors du Grenelle de
l'environnement et confirmés dans la loi en cours de discussion au
Parlement ne trouveront donc guère de traduction dans le budget 2009.
Plus grave encore du point de vue de
la conjoncture immédiate, le budget du logement et de la ville devrait
perdre 500 millions (- 6 %) en dépit des difficultés nouvelles du
secteur de la construction. Quant à la recherche et à l'enseignement
supérieur, l'enveloppe qui leur est consacrée ne progressera que de 3,4
%, soit une stagnation de fait malgré tous les discours. La
multiplication des tensions internationales n'empêchera pas non plus le
budget de la défense d'être mis lui aussi à la diète, avec 1,4 % de
hausse. Enfin, bien que les transferts de responsabilités de l'Etat aux
collectivités locales se soient multipliés ces dernières années, les
transferts de recettes correspondantes ne devraient progresser que de
51,2 milliards à 52,3 milliards l'an prochain, soit de nouveau une
baisse en termes réels. Le seul poste important qui augmente nettement
est celui... des intérêts de la dette publique : il passe de 42,8
milliards d'euros en 2008 à 46,0 milliards l'an prochain, + 7,5 %.
Nouvelle baisse des effectifs publics
Le gouvernement entend également accentuer la baisse des effectifs de
l'Etat malgré le retournement du marché du travail : 30 529 emplois
devraient être supprimés en 2009 sur 2 201 000, contre 22 900 cette
année. Principaux concernés : les enseignants. L'Education nationale
perdra 13 500 postes. L'enseignement supérieur et la recherche,
soi-disant prioritaires, se voient eux aussi privés de 450 emplois. Le
ministère de l'Ecologie, théoriquement chargé de tous les espoirs de «
croissance verte », paie également un lourd tribut : - 1 400 postes. En
proportion des effectifs, la saignée est même plus importante que dans
l'Education. Seules exceptions : la Justice, qui gagne 512 postes,
et... les services du Premier ministre.
Enfin, ce n'est pas grâce aux salaires
qu'il va distribuer que l'Etat soutiendra l'activité économique : la
masse salariale devrait passer de 85,8 milliards budgétés cette année à
86,1 milliards l'an prochain, soit 0,3 % de hausse. Même en prenant en
compte les réductions d'effectifs, on n'aboutit qu'à une hausse moyenne
par tête de 1,7 %. L'Etat ne prévoit manifestement même pas de
maintenir le pouvoir d'achat de ses salariés...
Côté recettes, la fête des baisses
d'impôts est bien finie. Seule nouveauté en la matière : la suppression
sur trois ans de l'impôt forfaitaire annuel (IFA) sur les entreprises,
une avance déductible de l'impôt sur les sociétés. L'impact en sera
cependant très faible l'an prochain. Et dans le même temps, les
entreprises devront financer l'extension à toute la France de la prime
transports qui existe déjà en région parisienne : elles devront payer à
leurs salariés la moitié des abonnements de transports en commun. Pour
leur part, les ménages employeurs verront la réduction des charges
sociales dont ils bénéficient ramenée de 15 % à 10 %.
Quant au RSA, il sera financé par un
prélèvement de 1,1 % sur les revenus du capital. Une mesure complétée
par un plafonnement de ce qu'on appelle les « niches fiscales » : il
s'agit des multiples dispositifs qui permettent de réduire
substantiellement son impôt, au point que nombre des plus riches
contribuables parviennent au final à ne payer aucun impôt sur le revenu
[1]. Mais la barre sera placée très haut : il est question d'un plafond
de réduction d'impôts à 50 000 euros... A ce niveau, seuls quelques
milliers de personnes seront concernées et la mesure ne rapportera que
quelques centaines de millions d'euros à l'Etat. Et comme elle ne
s'appliquera qu'aux déclarations 2009, elle n'aura de toute façon aucun
impact budgétaire l'an prochain. Même limitées, de telles mesures vont
dans le bon sens en termes d'équité, après les multiples réformes qui
ont profité surtout aux plus aisés ces dernières années. Elles n'en
concourent pas moins à rendre aussi plus restrictive la politique
budgétaire.
Sécu : ponctions autoritaires
L'Etat n'est toutefois plus le plus gros morceau en termes de politique
budgétaire : les dépenses de la protection sociale pèsent 1,7 fois plus
que le budget de l'Etat. A ce niveau également, la rigueur est à
l'ordre du jour. Le gouvernement a déjà décidé unilatéralement d'une
hausse des cotisations de retraite au 1er janvier 2009, pour récupérer
de l'ordre de 1,5 milliards d'euros supplémentaires. Initialement cette
hausse devait être compensée par une baisse des cotisations chômage,
mais compte tenu de la dégradation du marché du travail, celle-ci n'est
plus assurée. Au contraire, il est même probable que les conditions
d'indemnisation des chômeurs se durcissent. De plus, la hausse des
cotisations retraite n'empêche pas que les retraités continuent par
ailleurs de perdre du pouvoir d'achat. Quant à la forte hausse du
minimum vieillesse promise par Nicolas Sarkozy d'ici à la fin de son
mandat, l'horizon de sa mise en œuvre effective ne cesse de reculer...
Côté maladie, les mutuelles et les
assurances vont être taxées de 3 % de leur chiffre d'affaires, pour
récolter 1 milliard d'euros supplémentaires. Et de nouvelles
restrictions dans la prise en charge des dépenses sont annoncées pour
l'an prochain, après la mise en œuvre des franchises médicales cette
année.
Enfin, les versements effectués par
les entreprises au titre de la participation et de l'intéressement,
jusqu'ici totalement exonérés de cotisations, vont commencer à être
taxés pour renflouer la Sécu. S'attaquer aux « niches sociales »,
c'est-à-dire aux multiples dispositifs qui autorisent à verser des
rémunérations sans payer de cotisations sociales, représente, là aussi,
une rupture bienvenue avec les politiques menées jusqu'ici. Notamment
avec le dernier dispositif en date, et un des plus coûteux pour la Sécu
: la détaxation des heures supplémentaires décidée à l'été 2007. Mais,
dans le contexte actuel, de telles mesures concourent également à une
politique plus restrictive sur le plan macroéconomique...
Limitation des dépenses d'un côté et
hausse des prélèvements de l'autre, il s'agit bien d'une politique de
rigueur. Ceci dit, le déni gouvernemental n'est pas purement factice.
La droite cherche à éviter un coup de frein trop brutal car elle a tiré
les leçons des erreurs d'Alain Juppé et de Jacques Chirac en 1995. En
voulant rétablir l'équilibre budgétaire à court terme en pleine période
de marasme pour satisfaire aux critères de Maastricht, ils avaient à
l'époque sensiblement freiné l'économie. Et, au final, alourdi les
déficits publics au lieu de les alléger. Tout en facilitant également
le retour de la gauche au pouvoir en 1997... Nicolas Sarkozy et
François Fillon espèrent jouer plus fin.
Cette chronique a été publiée sur Alternatives Economiques .
Notes
(1) Voir « Comment payer moins d'impôts... », Alternatives Economiques n° 272, septembre 2008, disponible dans nos archives en ligne.
Mardi 30 Septembre 2008 - 12:08
Guillaume Duval
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