Comment Internet a mis Edvige au cœur de l'actualité
LEMONDE.FR | 12.09.08 | 15h04 • Mis à jour le 12.09.08 | 16h58
Le décret du 27 juin créant le fichier de police Edvige (acronyme d'Exploitation documentaire et valorisation de l'information
générale), qui remplace l'ancien fichier des Renseignements généraux, a été publié le 1er
juillet. Ce décret, complexe et technique, devait profiter de l'effet
des vacances estivales pour ne pas provoquer trop de remous.
C'était sans compter la formation du collectif "Non à Edvige", emmené notamment par la Ligue des droits de l'homme (LDH), qui met en ligne dès le 3 juillet une pétition sur Internet. En quatre semaines, celle-ci rassemble quelque 70 000 signatures – elle en compte aujourd'hui plus de 150 000 –, dont celles de près de 840 associations, syndicats, partis et collectifs. Si la mobilisation a été soutenue pendant l'été, elle augmente de façon exponentielle depuis la rentrée, comme le souligne Jean-Claude Vitran, chargé du groupe de travail "liberté et technologies de l'information" à la LDH. "Depuis quelques jours, on recense environ 5 000 nouveaux pétitionnaires quotidiens. Mais notre site étant fréquemment saturé, on estime que s'il était plus performant, on dépasserait les 10 000 signatures par jour."
Pour
Jean-Claude Vitran, le fait que les associations dénonçant les dérives
d'Edvige se soient regroupées en collectif a favorisé la diffusion
virale de la pétition. "Le fichier Edvige est un des points d'orgue – mais pas le
point final, car il y en aura d'autres – d'une mobilisation qui remonte
à très loin, explique Jean-Claude Vitran. Grâce à RESF [le
Réseau éducation sans frontières, qui avait lancé la mobilisation
contre les expulsions d'enfants scolarisés de parents sans papiers
durant l'été 2006], les associations ont
appris à travailler en collectif et à mettre en place des réseaux. Et bien sûr,
en tant que collectif, Internet a été l'outil idéal" : outil d'information, outil de communication et outil de mobilisation.
Depuis
la rentrée, la mobilisation contre Edvige a pris un autre tour, plus
humoristique. Une façon de rendre le débat sur les fichiers policiers
plus ludique, plus accessible et surtout de provoquer le buzz. La LDH
propose ainsi aux citoyens de prendre les devants et de "faciliter le travail des policiers" en téléchargeant et remplissant eux-mêmes leur propre fiche Edvige,
puis en la déposant le 16 octobre, jour de la Sainte-Edwige, devant
leur préfecture. Le questionnaire reprend avec ironie les points les
plus controversés du fichier, notamment le recensement des
données concernant l'orientation sexuelle et la santé des fichés.
L'internaute qui répond "oui" à la question "Avez-vous une vie sexuelle active ?" est ainsi invité à "Préciser la fréquence, la nature et le nombre de vos partenaires", puis de "Régaler les lecteurs : détaillez vos pratiques" ! Dans le chapitre des "Opinions politiques", les questions "Pour qui avez-vous voté en 2007 ? Et avant ?" sont assorties d'une précision rassurante : "Vous pouvez répondre sereinement à cette question, elle a été validée par la CNIL." Et enfin, en question bonus : "Considérez-vous que votre simple existence constitue une menace pour l'ordre public ?"
La
bataille contre Edvige s'invite également depuis quelques jours sur les
sites communautaires, comme Facebook, où l'on dénombre soixante-dix groupes qui se consacrent au
fichier policier, allant de l'ironique "Je veux être sur Edvige", au "Comité de soutien à toutes les
Edvige/Hedwige/Edwige", ou encore les sites de partage vidéo. Ainsi, une inquiétante vidéo, réalisée par la Web-TV Télétoc, présente les changements induits par la mise en place d'Edvige, sur fond de bruits compulsifs de machine à écrire :
Le projet Edvige
envoyé par teleTOC
Ou encore, "Edvige salope !", le titre rentre-dedans d'un rap au ton très direct. "Je vais lui dire deux mots moi à Edvige. (...) Tu t'es pris pour Big Sister ?"
La musique n'est pas des plus élaborées et la dénonciation est lourde,
mais le message de ce clip a la faveur des internautes, à en croire les
messages postés sur le site Dailymotion. En trois jours seulement, la
vidéo a déjà été vue près de dix mille fois. Mission réussie pour les
anti-Edvige.
Edvige
Salope ! Chanson de bon
ton
envoyé par torapamavoa