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COUPLE. En Allemagne, toujours plus de pères décident de réduire leur temps de travail pour mieux élever leurs enfants.
Yves Petignat, Berlin Lundi 8 septembre 2008
Volker Ratzmann, 48 ans, aurait pu devenir coprésident des Verts
allemands. Mais le président du groupe parlementaire des «Grünen» au
parlement régional de Berlin vient de retirer sa candidature contre le
député vert au Parlement européen Cem Özdemir. «Pour des raisons très
privées et personnelles.»
Sa
compagne, la députée fédérale Kerstin Adreae, porte-parole des Verts
pour la politique économique, devrait accoucher en mars. Or elle était
pressentie pour être tête de liste de son parti dans le Bade-Wurtemberg
pour les élections de l'automne 2009. Volker Ratzmann s'est donc effacé
devant la carrière de sa compagne, qu'il juge prioritaire. «Je ne vois
pas que le travail d'une députée au Bundestag et d'un président du
parti soit compatible avec l'éducation d'un enfant». Il a décidé de se
consacrer en priorité à son futur enfant.
De plus en plus de futurs pères ne veulent plus être pour leur
enfant un «Grüss Gott Onkel» - un «bonjour mon oncle». Ils considèrent
que leur carrière passe après l'équilibre familial. La ministre de la
Famille Ursula von der Leyen, qui a fait du «développement du rôle du
père» un des axes forts de sa politique, parle même «des nouveaux pères
qui sont en train de changer l'image du patriarche chef de famille
allemand».
L'expression «nouveaux pères allemands» est devenue un refrain à la
mode dans les rubriques «Education» et «Société» des médias. Il est
vrai que les «nouveaux pères» étaient déjà à la une des magazines dans
les années 1980 et sont en passe d'être grands-pères. Alexandre
Vialatte aurait dit que «les nouveaux pères remontent à la nuit des
temps».
En aurait-on fini avec cette Allemagne conservatrice qui condamnait
la mère de famille «aux enfants, à la cuisine et à l'église», le fameux
«Kinder Küche Kirche», qui qualifiait de «Rabenmutter» - mères corbeaux
- celles qui déposaient leur enfant à la crèche? «Les femmes veulent
pouvoir conjuguer famille et profession. Pour cela, elles souhaitent un
partenaire qui puisse assumer des responsabilités dans les deux
domaines», affirme Ursula von der Leyen.
Selon les dernières statistiques, l'introduction en 2006 du congé
parental a grandement encouragé les nouveaux pères à assumer davantage
de tâches éducatives et du coup modifié l'image de la famille
allemande. Le salaire parental, entre 300 euros et 1800 euros sur une
durée de douze mois en principe, est rallongé de deux mois si les deux
parents prennent congé en alternance. Désormais un papa sur six prend
au moins deux mois de congé pour s'occuper du nouveau-né. Et la
tendance est croissante. Deux tiers des Allemands pensent que c'est une
bonne chose que le père change les couches et chauffe les biberons
pendant que sa compagne reprend son emploi.
Christian, la trentaine, employé dans le secteur de la finance,
vient de prendre un congé de plus de six mois pour s'occuper de ses
jumeaux. «Avant de demander mon congé, j'avais peur de la réaction de
mes employeurs, dit-il. Il y a quelques années, le congé parental était
peu fréquent dans la boîte. Mais j'ai été étonné de leur compréhension.
Dans notre répartition des rôles familiaux, cela n'a pas changé
grand-chose avec ma femme, car nous étions déjà très complémentaires
pour tout ce qui concerne les tâches ménagères.»
En 2006, toutes nos amies berlinoises «craquaient» dans le métro
pour la grande affiche du père de famille assoupi, enlaçant son fils
qui se penchait sur son visage. «Kinder kriegen aktive Väter» - les
enfants reçoivent des pères actifs - proclamait la campagne médiatique
du Ministère de la famille.
Dans une étude intitulée précisément «Les nouveaux pères», les
chercheurs de Francfort Hans-Walter Gumbinger et Andrea Bambey
relevaient que «l'image du rôle des hommes a radicalement changé en
Allemagne durant la dernière décennie», même si ce n'est pas toujours
dans un sens positif. Il ne se trouvait plus que 18% des hommes
interrogés pour estimer qu'il n'y avait rien à changer à la répartition
séculaire des rôles, ou 10% regrettant que leur compagne refuse qu'ils
se mêlent des tâches d'éducation. Mais entre les «responsables de
façade», qui veulent tout partager mais se trouvent vite débordés, et
les «égalitaires» qui ont de bons sentiments mais retombent dans les
clichés, l'étude mettait surtout en avant la grande angoisse des pères
devant leur nouveau rôle. Près de 40% estimaient avoir échoué ou du
moins ne pas être parvenu à exercer leur paternité comme ils l'auraient
souhaité.
Pourtant, première conséquence du changement de mentalité,
l'Allemagne est plus chaleureuse pour les familles. Les naissances ont
un tout petit peu augmenté l'an dernier (+1%), même si, avec 1,37
enfant par femme, le taux de natalité reste l'un des plus faibles
d'Europe.
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