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Mon Mulhouse3
25 août 2008

Les "bottelones", beuveries publiques entre jeunes, inquiètent la Suisse

Les "bottelones", beuveries publiques entre jeunes, inquiètent la Suisse

GENÈVE  CORRESPONDANCE

   

Faut-il interdire ou tolérer le "bottelon" ? En Suisse, la polémique enfle autour d'un phénomène né au milieu des années 1990 en Espagne, et qui a fait irruption cet été dans les principales villes helvétiques. Un bottelon - littéralement "grosse bouteille" en espagnol - est un rassemblement spontané de centaines ou de milliers de jeunes dans un lieu public, en vue d'une consommation non modérée d'alcool, à moindres frais. Chacun y apporte sa boisson : soda, bière et surtout alcool fort pour faire des cocktails. Les invitations sont généralement lancées via Internet, et permettent aux 15-24 ans de s'enivrer jusqu'à l'aube. Avec les dommages collatéraux que cela peut entraîner.

Vendredi 22 août, le parc des Bastions, au pied de la vieille ville de Genève, a accueilli son deuxième bottelon. Mais le temps automnal et l'encadrement mis en place par la municipalité ont, semble-t-il, eu raison de l'enthousiasme.

Vers 23 heures, environ 400 jeunes gens piétinaient devant le mur des Réformateurs, sous la statue géante de Calvin. Manuel Tornare, le maire socialiste de la ville, était venu "parler aux jeunes" sous l'oeil attentif des journalistes. Dans la foule, Yvan, un aide-pharmacien de 24 ans, se disait déçu. "Le 18 juillet, on a fait ça à l'arrache, sans que les autorités s'en mêlent. Il y avait 1 300 personnes. C'était la folie, expliquait-il. A Genève, plusieurs lieux alternatifs ont disparu. C'est beaucoup trop cher d'aller dans les bars et les boîtes", ajoutait-il, résumant la philosophie ambiante. Un artiste zurichois de 33 ans, déjà passablement éméché, levait les yeux au ciel, estimant que seuls des "ploucs" avaient répondu à l'appel.

Vers 3 heures, la fête a sagement pris fin, avec le ramassage des ordures et un seul incident signalé : une bouteille écrasée sur la tête du photographe du SonntagsBlick par un groupe de marginaux, habitués du parc.

La mode du bottelon inquiète cependant les pouvoirs publics. A Genève, la municipalité n'a donné son feu vert que le 20 août. Le même jour, l'exécutif de Lausanne, lui aussi majoritairement de gauche, a interdit une fiesta alcoolisée prévue, le 23 août, sur l'esplanade de Montbenon, devant le palais de justice. "Ces soirées engendrent à la fois de nombreux risques pour les consommateurs - agressivité, alcool au volant, coma éthylique -, des nuisances pour le voisinage et des problèmes d'ordre public - déprédations, déchets, bagarres", ont indiqué les responsables.

Même refus à Zurich, où les amateurs avaient prévu de se retrouver le 29 août, sur la Blatterwiese, pour "fêter la rentrée scolaire". A Berne, des jeunes veulent investir, le 30 août, la place Fédérale où se trouve le palais abritant le Parlement suisse et le siège du gouvernement. La municipalité pourrait proposer un autre lieu.

De tradition plus libérale, Genève, elle, prône la tolérance et l'organisation. Le 18 juillet, les autorités avaient été mises devant le fait accompli. Au petit matin, les promeneurs avaient découvert le sol du parc des Bastions jonché de cadavres de bouteilles et de détritus. Le 8 août, un bottelon sauvage a été empêché au dernier moment. Depuis, l'équipe municipale a pris langue avec les "organisateurs" et des conditions ont été posées pour la fête du 22 août. Il fallait donc qu'une dizaine de bénévoles fassent le ménage et que la brigade des mineurs soit sur place. Interrogé sur son ouverture d'esprit, Manuel Tornare a rappelé l'expérience espagnole : "Quand José Maria Aznar a interdit ce genre de manifestations, les jeunes se réunissaient à 30 km des villes et certains se tuaient en revenant en voiture pris de boisson."

En Espagne, une loi anti-bottelon a été adoptée en 2002, sous la pression de riverains excédés par les hordes de jeunes qui, chaque week-end, occupaient les espaces verts, les trottoirs et les places. Mais la législation est difficile à appliquer.

Craignant un tel déferlement, Lausanne a préféré interdire les rassemblements. Raphaël Lutz, l'étudiant âgé de 24 ans qui avait lancé l'invitation sur Facebook, réfute vigoureusement les accusations de beuveries, et ne regrette qu'une chose : ne pas avoir plutôt appelé son rendez-vous "limonadon" ou "pique-nique".

Agathe Duparc

Article paru dans l'édition du 26.08.08.

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