Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mon Mulhouse3
27 juillet 2008

Comment l'Europe a géré la question des huiles frelatées

Comment l'Europe a géré la question des huiles frelatées

En autorisant de nouveau, le 3 juillet, les importations d'huile de tournesol en provenance d'Ukraine, la Commission européenne met fin à un feuilleton sanitaire de plus de deux mois.

Alerté par un de ses clients britanniques qui avait découvert la présence d'huile minérale (comparable à celle utilisée dans les moteurs) dans de l'huile de tournesol, la société Lesieur, après avoir fait vérifier la qualité de ses livraisons en provenance d'Ukraine, prévient, le 9 avril, les pouvoirs publics français. Informée, la Commission européenne lance une alerte le 25 avril.

"Des vérifications, réalisées sur des stocks de janvier, se sont révélées positives, et l'on peut parler de contamination systématique depuis le 1er février", assure Frans Verstraete, expert auprès de la direction générale de la santé et de la protection des consommateurs (DG Sanco) à la Commission européenne.

Au total, 60 000 tonnes d'huile de tournesol brute mélangée à des huiles minérales à hauteur de 1 000 à 7 000 ppm (milligrammes par kilogramme) ont été écoulées en Europe. Selon Romain Nouffert, directeur délégué de Lesieur, cette fraude pourrait s'expliquer "par l'augmentation de 30 % depuis un an du prix de l'huile de tournesol, due à une forte demande de la Chine et de l'Inde".

En France, selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ce sont 4 438 tonnes d'huile raffinée avec des teneurs de 305 à 1 040 ppm, qui ont été mises sur le marché entre le 28 février et le 4 avril. De son côté, l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) indique que "4 438 tonnes (d'huile frelatée) représentent moins de 1 % de la consommation annuelle d'huile de tournesol en France".

Compte tenu de l'insuffisance de la production française d'huile de tournesol, qui fournit seulement 80 % de la quantité consommée en France, les industriels comme Lesieur et Saipol (groupe Sofiprotéol) complètent par des huiles importées d'Ukraine et d'Argentine.

Les analyses pratiquées par plusieurs laboratoires européens ont conclu à "la présence d'une huile de haute viscosité proche de la paraffine, sans pouvoir toutefois déterminer la nature exacte de cet hydrocarbure", explique Jean-François Narbonne, toxicologue, professeur à l'université Bordeaux-I et expert auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

Après avoir estimé que ce produit n'avait, à long terme, pas d'effets prévisibles sur la santé, excepté l'apparition de diarrhée, les experts ont tenté d'évaluer le risque d'exposition des consommateurs. Car l'huile de tournesol est aussi présente dans les mayonnaises, sauces béarnaises, margarines, biscuits, bâtonnets de surimi, chips, tarama, blinis, conserves de poissons, plats cuisinés. "La dose journalière admissible (DJA) a été estimée à 20 milligrammes par kilo de poids corporel. En fonction de la consommation prévisible d'aliments contenant de l'huile de tournesol, la Commission a fixé une valeur limite à 300 ppm pour les produits fabriqués avant le 25 avril", précise M. Verstraete.

Le 7 mai, la Commission a abaissé ce seuil à 100 ppm et a demandé le retrait des produits contenant cette huile frelatée à un taux supérieur. Mais retrait ne signifie pas rappel des produits, avec communication officielle des lots contaminés. Il impose seulement aux fabricants de récupérer les stocks auprès des distributeurs. Des aliments contenant de faibles doses d'huile contaminée ont donc pu être consommés dans l'intervalle.

L'enquête menée en Ukraine n'a toujours pas abouti. Après avoir interdit les importations le 23 mai, Bruxelles a accepté le système de certification mis en place par les autorités ukrainiennes, le 3 juillet. De leur côté, les importateurs effectuent des analyses à l'arrivée des marchandises. A partir d'octobre, l'Office alimentaire vétérinaire (OAV), organisme communautaire chargé de veiller à la sécurité et à la qualité des denrées alimentaires, vérifiera la mise en place des contrôles ukrainiens.

Des fraudes sur les produits alimentaires avaient déjà été détectées comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques découverts dans le beurre fabriqué à Naples de 1997 à 1999, les colorants "rouge Soudan" pour ceintures de cuir utilisés dans les épices et l'huile de palme en 2004, ou la dioxine présente dans le yaourt en Roumanie, en août 2007.

Face à ces risques, le toxicologue M. Narbonne estime que, "plutôt que de rechercher le prix le plus bas pour les denrées en provenance de pays où il n'existe aucune traçabilité, il serait plus judicieux et plus économique de passer des contrats avec des producteurs qui s'engageraient à respecter un cahier des charges (alors que), à partir du moment où l'on a mis en place des procédures de détection, il n'y a pas de raison que ces fraudes se reproduisent".

Michaëla Bobasch

Article paru dans l'édition du 27.07.08.

Retrouvez moi : http://monmulhouse.canalblog.com/




Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité