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Mon Mulhouse3
25 juillet 2008

Ces écoterroristes qui inquiètent l'Europe

Pour revendiquer leurs actions, les militants d'ALF (Animal Liberation Front) posent cagoulés et publient leurs clichés sur Internet. | D.R.

D.R.

Pour revendiquer leurs actions, les militants d'ALF (Animal Liberation Front) posent cagoulés et publient leurs clichés sur Internet.

Enquête

Ces écoterroristes qui inquiètent l'Europe

Filiale d'un groupe américain, Charles River est l'un des premiers éleveurs d'animaux de laboratoire. L'incendie ayant été provoqué par des explosifs - une bouteille de gaz et un dispositif "original" de mise à feu -, le dossier a atterri à la section antiterroriste du parquet de Paris. Une cellule de dix gendarmes s'occupe de l'enquête au sein du bureau de la lutte antiterroriste de la gendarmerie, déjà chargé de l'attentat qui avait visé, un an auparavant, en avril 2007, l'entreprise spécialisée dans la fabrication de cages, Tecniplast, à Limonest, également dans le Rhône. Là aussi, ALF était apparu. "Avec Charles River, il ne s'agit plus d'un sous-traitant, mais d'un acteur à part entière de la recherche, on a franchi un cap", s'inquiète un expert.

Les actions du Front de libération des animaux (ALF en anglais) sont revendiquées sur Bite Back, un site Internet très militant qui recense, pays par pays, toutes les manifestations d'écologie radicale. Dans le cas de Charles River, des photos ont été publiées, dont l'une montre, de nuit, l'incendie, assortie, comme toujours, d'un commentaire violent, en anglais et en français, et d'une menace : "Nous n'en avons pas fini avec vous..."

SERRURES ENGLUÉES

Face à ces attaques, les industriels sont inquiets. A la demande de ses membres, - une quarantaine de firmes et 32 associations qui regroupent des laboratoires -, la Fédération européenne des industriels et associations pharmaceutiques (Efpia) organise, lundi 28 juillet, à Bruxelles, une réunion sur l'"écoterrorisme" en présence d'Europol, le réseau européen de la police. Une première motivée par une série d'incidents récents dans toute l'Europe imputés à des activistes animaliers, et assimilés à des attentats terroristes. "Nous voyons de plus en plus que cela devient une activité internationale, qui s'exporte et s'étend à l'Europe continentale, avec des franchisés", commente du bout des lèvres l'Efpia, qui aurait aimé préserver la confidentialité de sa réunion.

Des franchisés ? Sous le sigle d'ALF, de nombreuses actions de sabotage sont menées contre des laboratoires qui pratiquent l'expérimentation animale, ou leurs sous-traitants, mais aussi contre des fourreurs, des commerçants ou même des restaurateurs.

Apparu en Grande-Bretagne dans les années 1970, le phénomène s'est répandu aux Etats-Unis, puis en Europe, et de plus en plus en Russie. Cette "menace émergente" a mobilisé les services de police de nombreux pays ces dix dernières années. En 1999, un journaliste anglais avait été brièvement enlevé et marqué au fer rouge des lettres ALF dans le dos. Le romancier Tom Clancy, spécialiste du renseignement américain et de la CIA, y a consacré, dès 1998, l'un de ses livres, Rainbow Six. Plus récemment, l'académicien Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal, s'est intéressé, dans un récit très documenté, Le Parfum d'Adam (Flammarion, 2007), à l'activisme d'écolos fanatiques qui tourne au complot. "Le FBI considère l'écologie radicale comme la deuxième menace terroriste la plus importante après le fondamentalisme islamique", expliquait alors l'écrivain.

Jusqu'ici, la France, habituée aux campagnes de Brigitte Bardot, s'estimait relativement épargnée. Mais elle a désormais rejoint, selon un enquêteur, "le peloton de tête" des pays concernés. "Ça prend de l'ampleur", admet Christian Dupouy, chef du bureau de la lutte antiterrorisme à la direction générale de la gendarmerie nationale. Le pic a été atteint en 2007 avec 53 actions revendiquées, dont 25 "périples" (actions plus ou moins coordonnées mais simultanées). En 2008, un premier bilan arrêté au 31 mars laissait espérer une légère accalmie : 13 actions sur 16 cibles (dont 8 sabotages peu significatifs) lors des trois premiers mois de l'année, contre 18 en 2007 visant 45 cibles. Mais, avec l'affaire Rivers, le ministère de l'intérieur a dû déchanter.

Une à deux actions sont répertoriées par mois en France sur Bite Back, certaines folkloriques, telle la libération d'une pie de sa cage en Midi-Pyrénées. Mais il y a plus inquiétant. En janvier, un artisan fourreur bordelais, Michel Grama, propriétaire de deux magasins, a été victime, en plus des tags rituels, d'un incendie, près de la porte de son domicile, qui aurait pu mal tourner. Son nom, son adresse et son numéro de téléphone privé avaient été rendus publics...

D'autres ont été la cible d'un véritable harcèlement destiné à provoquer leur fermeture : tags insultants, serrures engluées, vitrines brisées, messages d'intimidation, comme les magasins de Cuir Center à Orgeval (Yvelines), une boucherie à Carcassonne (Aude) ou ce restaurateur parisien accusé de soutenir la corrida. Même le cirque Pinder a eu affaire, à Montpellier, aux activistes animaliers.

Toutes ces opérations restent le plus souvent "à la lisière du terrorisme", pour reprendre l'expression d'un policier. Mais certains militants qui affectionnent la clandestinité et leurs photos cagoulés de noir ont franchi le pas. "Les modes d'action sont assez comparables : cellules informelles, commandos de nuit, grande paranoïa et volonté de frapper l'opinion publique par des actions d'envergure", note un enquêteur.

En août 2007, l'ARM, la Milice des droits des animaux, un autre groupuscule également d'origine britannique, avait fait croire, dans sa première opération lancée en France, qu'elle avait introduit de l'eau oxygénée dans des solutions pour lentilles fabriquées par le laboratoire Novartis, contraignant les autorités françaises à demander le rappel de ces produits. Les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT) ont clos le dossier sans avoir retrouvé les auteurs.

Autres caractéristiques proches du terrorisme "classique" : la mobilité des militants et l'utilisation intensive d'Internet pour diffuser, mobiliser et recruter. "ALF n'existe pas, c'est un sigle de ralliement, n'importe quelle action peut être revendiquée par ALF", juge Bruno Verschuere, représentant du Gircor. Créée en 1991, cette association, qui regroupe les laboratoires publics et privés français pour défendre la recherche basée sur l'expérimentation animale, redoute une intensification des "commandos écolos".

En même temps que les Etats-Unis, qui ont adopté en 2006 l'Animal Enterprise Terrorism Act, la Grande-Bretagne a pris les devants en ajoutant dans la loi de sécurité intérieure promulguée après les attentats de Londres de 2005 un codicille destiné à protéger les chercheurs des "menaces", de la calomnie et du "harcèlement". En France, rien ne distingue les écoterroristes, poursuivis sous les incriminations classiques de "menaces sous conditions" ou "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste".

Isabelle Mandraud

Article paru dans l'édition du 26.07.08.

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