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Mon Mulhouse3
3 juillet 2008

« Les internautes européens risquent de se réveiller avec une sacrée gueule de bois »

« Les internautes européens risquent de se réveiller avec une sacrée gueule de bois »
                   

par Astrid Girardeau, Erwan Cario                    

                   

                       tags :                                                    politique                           ,                           Europe                           ,                           riposte graduée                                              

                   

                   

                   

© Wilfrid Estève                    

                                           

                        

Le 10 avril dernier, le parlement Européen prenait position contre le système de riposte graduée au cœur du projet de loi « Création et Internet » défendu par Christine Albanel. Il jugeait disproportionnée cette mesure de lutte contre le téléchargement illégal qui pouvait aboutir à la suspension de l’accès Internet des utilisateurs. Une position de principe qu’on aurait tort de croire définitive.

En effet, le 7 juillet, plusieurs directives, regroupées sous le nom de « paquet télécom » seront votées en commissions, avant sa présentation en séance plénière à la rentrée. Le paquet télécoms concerne la modernisation du secteur des communications électroniques. L’occasion rêvée pour inclure toute une série d’amendements autour de la surveillance et du filtrage des réseaux. Avec, en guest-star, la riposte graduée à la française.

Nous avons interrogé Guy Bono, député européen du Nouveau Parti socialiste (PSE), et responsable du rapport Industries culturelles en Europe.

Quels sont les enjeux du vote du 7 juillet ?
Le paquet télécom qui sera voté en commission lundi entend moderniser la législation européenne du secteur des communications électroniques - internet, téléphonie fixe et mobile - pour l’adapter aux évolutions technologiques et au développement rapide du marché. Plusieurs directives sont sur la table. Des milliards d’euros sont en jeux. Le projet de loi français de riposte graduée aussi.

Avec l’amendement voté en avril, on pouvait penser que l’Europe pouvait servir de garde-fou à propos du projet français. Aujourd’hui, peut-on craindre que l’Europe aille plus loin que la France dans la surveillance et la répression ?
Dans sa résolution du 10 avril dernier, le Parlement européen a estimé la riposte graduée comme une mesure “disproportionnée”. Cette prise de position est à relier à l’arrêt de la CJCE du 29 janvier 2008 qui avait rendu que le droit de propriété intellectuelle était loin d’être absolu, qu’il devait être concilié avec les autres droits fondamentaux, comme le droit à la protection des données à caractère personnel, et donc de la vie privée, et que dans tous les cas, le principe de proportionnalité devait être respecté. Après ce vote du Parlement européen, on pouvait raisonnablement estimer que le juge communautaire suivrait l’assemblée européenne dans son interprétation du droit communautaire, rendant par la même occasion le projet de loi français illégal au regard des principes généraux du droit européen. Ayant compris cela, les majors des industries culturelles, soutenues par un certains nombres de députés français et anglais, ont fait déposer en masse des amendements visant à légaliser le principe de riposte graduée en droit communautaire, quitte à abaisser le niveau de protection des données personnelles et de la vie privée.

Pensez-vous que la présidence française pourra influer sur le résultat du vote ?
Au delà de ses relations étroites avec les majors, le gouvernement français aura son mot à dire une fois que le Parlement aura adopté le texte en plénière en septembre prochain. Il paraît évident que Sarkozy, aidé par ses amis britanniques, va chercher à surfer sur la Présidence française pour étendre ses positions sécuritaires et légaliser au niveau européen son projet de riposte graduée. Tout un programme pour la présidence du “pays des droits de l’Homme” !

Quel pourra être l’influence de ce vote au niveau des lois nationales de chaque pays si toutes les propositions passent ?
Certaines propositions visent à mettre en place une architecture de contrôle administratif du réseau internet. On va tout droit vers un internet de surveillance et de filtrage voulue par quelques grandes entreprises. Les intermédiaires techniques seront transformés en véritables auxiliaires de police privée et les autorités administratives pourront restreindre les droits fondamentaux des citoyens à la place de l’autorité judiciaire. C’est la porte ouverte à la mise en œuvre de la "riposte graduée" voulue par le président français Nicolas Sarkozy.

Est-ce que l’apparition de la riposte graduée française a eu des effets au sein de l’Europe ?
Oui, on le voit bien puisque le débat gagne toute l’Europe. Au Royaume Uni, un projet de loi similaire va être présenté prochainement par le gouvernement. En Grèce, un texte sera également présenté à la rentrée. La Suède a déjà repoussé le modèle français. En Italie, l’autorité de protection des données personnelles s’est déjà prononcé contre les polices privées en charge de la chasse des internautes qui téléchargent. En Allemagne, enfin, la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a estimé que l’abaissement du niveau de protection des données personnelles et de la vie privée ne peut pas être effectué au nom de la simple “la propriété intellectuelle”. Dans tous les cas l’Europe est loin d’être à l’unisson sur cette question, d’où l’importance de ce vote lundi prochain.

A quelques jours du vote, il y a t-il des pressions particulières sur les parlementaires ?
La pression est énorme : les enjeux financiers sont considérables. Le tout, est de faire la part des choses entre les intérêts de quelques grandes entreprises et ceux du des citoyens européens. Malheureusement le rapport de force entre les lobbies et les associations de défense des consommateurs est complètement déséquilibré.

Une mobilisation est-elle encore possible et peut-elle influer le résultat ?
Nous recevons déjà depuis plusieurs jours des courriels de la part d’internautes inquiets de cette dérive sécuritaire. D’ici septembre et le passage en plénière, il est primordial que les citoyens se mobilisent davantage pour informer leurs élus sur les enjeux cruciaux de ce vote.

A défaut, nous ne pourrons inverser la tendance et les internautes européens risquent de se réveiller avec une sacrée gueule de bois !

A lire aussi :
La quadrature du net a mis en ligne un wiki de mobilisation à propos du paquet télécoms.

Sur le même sujet :
- Antipiratage : La doctrine française filtrée par l’Europe (26/06/2008)
- La France veut riposte-graduer l’Europe (24/06/2008)
- Pour l’Europe, la répression n’est pas une réponse au piratage (10/04/2008)
- L’Europe tacle la riposte graduée à la française (08/04/2008)

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