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Mon Mulhouse3
16 avril 2008

Demandeur d'emploi, travaille et tais-toi

Demandeur d'emploi, travaille et tais-toi

   

   

Après deux refus successifs d'"offre valable d'emploi", les chômeurs n'auront plus droit à leurs indemnités. Décryptage.



A la recherche d'un emploi à l'ANPE de Paris en 2005 (Flore-Aël Surun).

"Vous parlez le mandarin, et votre courtoisie, votre excellente présentation, votre sens du service, votre connaissance parfaite de la capitale (restaurants et hôtels hauts de gamme, musées, hauts lieux de la vie parisienne) restent des atouts précieux aujourd'hui." En recevant cette offre de l'ANPE, le chômeur-créateur d'entreprise Pierre Haski a cru à une blague. Pas du tout, l'Agence pour l'emploi lui a juste envoyé une OVE, une "offre valable d'emploi".

Or, le président Sarkozy l'a rappelé la semaine dernière, après deux refus successifs d'OVE, les chômeurs n'auront plus droit à leurs indemnités. De quoi s'agit-il exactement? C'est ce que doit établir le débat entre partenaires sociaux qui s'ouvre le mois prochain sous l'égide du ministère du Travail. La notion, encore très vague en France, est définie depuis longtemps dans les pays européens, avec des critères parfois étonnants.

La France est beaucoup plus généreuse que ses voisins européens

L'Unedic a préparé le terrain aux partenaires sociaux, en publiant en juillet 2007, une étude comparative des législations en vigueur chez nos voisins. D'où il ressort d'abord que la France a la définition la plus générale de l'OVE (articles L.311-5 et R.311-3-5 du code du travail):

"Est considéré comme convenable, et ne peut donc être refusé sans motif légitime, tout emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail proposé, compatible avec la spécialité ou la formation antérieure de l’intéressé, avec ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité géographique qui lui sont proposées, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région."

"Convenable", "valable" ou "approprié"? Cette idée de sanctionner les chômeurs ne donnant pas suite aux offres proposées remonte au début des années 2000. A l'époque, la "refondation sociale" discutée entre syndicats et patronnat s'inspire d'une étude de l'OCDE montrant que dans les pays anglo-saxons, la baisse du chômage est liée au renforcement des dispositions liées à la recherche d'emploi.

A Cahors, Sarkozy évoque une offre d'emploi "raisonnable"

Après avoir lancé le chantier de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, Nicolas Sarkozy a précisé la semaine dernière à Cahors, sa volonté d'intensifier le régime des sanctions, parce qu'il "ne peut y avoir une société qui ait des droits sans devoirs". Pour cela, propose le président de la République, il faut promouvoir "un texte qui permettra de tirer les conclusions de deux refus consécutifs d'une offre d'emploi raisonnable".

Vous avez dit "raisonnable"? L'acception du terme revêt des réalités bien différentes en Europe. Trois critères sont en général pris en considération:

  • la nature de l'emploi et son adéquation avec le niveau de qualification du demandeur d'emploi;
  • le niveau de rémunération de l'emploi, par rapport au dernier salaire de l'intéressé;
  • les conditions d'accès à l'emploi (durée et/ou coût du trajet).

C'est ce qu'a rappelé Laurent Wauquiez, le tout nouveau secrétaire d'Etat à l'Emploi, sur le plateau de LCI ce mardi matin. (Voir la vidéo).


Ce que confirmait le directeur général de l'Unedic, dans un entretien au Monde. Où l'on voit que Jean-Luc Bérard n'est pas exactement sur la même ligne que le président Sarkozy:

"Le débat est mal posé. Une offre n'est valable que si le demandeur d'emploi a la compétence requise pour le poste. Nous ne sommes pas les mieux qualifiés pour décider de l'activité que doit accepter le chômeur. 'Etes-vous mobile? Quelle votre expérience? Voulez-vous changer d'activité?': c'est à partir de ce contrat, entre le demandeur d'emploi et le conseiller qui l'accompagne, que l'on peut définir l'OVE. Et, à partir de là, décider d'une sanction s'il ne respecte pas ses engagements."

En Europe, six pays sur onze imposent un lien entre ancienneté du chômage et qualité des propositions

Comme le montre bien l'étude de l'Unedic, plus vous attendez, plus vous risquez d'avoir à accepter un job bien loin de vos souhaits. Ce principe a été adopté par six des onze pays européens étudiés (Allemagne, Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Irlande, Luxembourg). Le Danemark va même encore plus loin, puisqu'il stipule que:

"Tout demandeur d’emploi doit accepter tout emploi qu’il est en mesure d’occuper ou tout emploi qu’il serait en mesure d’occuper après une formation de courte durée, si la formation requise lui est proposée."

Heureusement pour les Danois, des mesures restrictives protègent les demandeurs d'emploi, en particulier les jeunes diplômés à la recherche d'un premier boulot. Les critères, eux, sont variables. Cela va de l'Italie où le montant du salaire acceptable ne peut être inférieur de plus de 10% au salaire antérieur. A l'Espagne où la variable transport est très élastique: le temps de trajet ne peut excéder 25% du temps de travail journalier ou les frais de trajet excéder 20% du salaire mensuel.

"La moitié des emplois non pourvus réclament des salariés qualifiés, voire très qualifiés"

Interrogé au lendemain du présidentiel discours de Cahors, le directeur général de l'Unedic replaçait le propos dans son contexte.

"Partir de l'idée selon laquelle un chômeur doit accepter tout ce qu'on lui propose va au-delà du cadre normal de l'exécution de nos missions. De plus, les emplois non pourvus réclament pour la moitié d'entre eux des salariés qualifiés, voire très qualifiés. Se pose le problème de leur accompagnement et de leur formation."

Le tacle diplomatique de Jean-Luc Bérard s'appuie sur deux phénomènes: la plupart des secteurs déficitaires en main-d'œuvre (comme le BTP ou le tourisme) réclame du personnel formé. Voire très formé, comme le rappelle depuis plusieurs années le cas des infirmières espagnoles recrutées faute de candidates françaises. L'autre problème de l'ANPE réside dans sa capacité à proposer des "offres valables" aux deux millions de chômeurs français.

Or, les chiffres donnés par l'Agence des radiations pour "refus d'offre" sont marginaux: 13 672 sur un total de 563 680 radiations, de janvier à novembre 2007, soit 2,4%. Pierre Haski sera-t-il radié pour avoir décliné cette proposition d'emploi intitulée "le leader du transport des V.I.P. recrute des chauffeurs de grande remise"?

Mis à jour le 15/4 à 13h10. Vidéo de Laurent Wauquiez ajouté

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