Giacometti se met à son compte sans oublier Sarkozy
Giacometti se met à son compte sans oublier Sarkozy
Little Grizzly - Flickr
On avait été surpris de le trouver planté dans le décor du Fouquet's,
le soir du second tour de l'élection présidentielle dans le livre La nuit du Fouquet's.
Il y a quelque chose en lui d'assez étranger au monde bling bling que
symbolisait la soirée de victoire présidentielle. Avant même le livre
des journalistes Ariane Chemin et Judith, Pierre Giacometti avait été
campé par la romancière Yasmina Rezza dans une position de conseiller
très proche du Président. Le récit aurait dû choquer tant la figure du
sondeur, qui affiche sa neutralité en commentant les soirées
électorales, paraissait contradictoire avec l'empathie racontée dans le
roman. Or, Pierre Giacometti avait donné son accord pour que sa
proximité avec le Président soit ainsi affichée.
IPSOS est devenu un groupe international
Le divorce avec Lech vient de loin
Peu après, le sondeur disparaissait de la scène publique. Jusqu'à la
soirée électorale des municipales, où il officiait, comme avant, sur
France 2, ce qui lui a valu d'être épinglé sur son blog par Jean-Michel Apathie. Ce à quoi Pierre Giacometti répond : «Il a le droit de penser ce qu'il veut. Mais il aura bien du mal à démontrer que mon propos était en quoi que ce soit orienté.»
Retour au bercail des sondeurs ? Nullement. Mais Arlette Chabot a
préféré garder Giacometti sur le plateau, même si ce dernier a quitté
l'institut IPSOS après 22 ans de bons et - estime-t-il - loyaux
services. En réalité, son divorce avec Jean-Marc Lech, dirigeant et
actionnaire d'IPSOS existait en germe depuis 2001, lorsque ce dernier
avait raconté dans un livre les petits secrets de son client Jacques
Chirac, provoquant une fâcherie avec Frédéric Saint Sernin, responsable
des études de la chiraquie et surtout avec Claude Chirac. Pierre
Giacometti affirme, lui, avoir toujours préféré la discrétion. Il pense
que le métier de sondeur l'emmène forcément à conseiller son
commanditaire. «On
nous demandait de réaliser des études, mais aussi de les interpréter.
Sinon, pourquoi ne pas traiter directement avec des sociétés de terrain
?» Mais comment, dès lors, travailler à la fois avec le PS,
l'UMP, le MODEM et le PCF comme le font certains instituts ? Réponse de
Giacometti : «Chacun avait le plus
souvent un client dominant, mais aucune exclusivité. Simplement, si le
PS ou une autre formation me demandait une étude sur un sujet que
j'avais déjà abordé avec l'UMP, je refusais le marché. Et inversement.»
Quant à sa présence incongrue au Fouquet's, elle relèverait, selon lui,
de la politesse la plus élémentaire dès lorsque son «client» privilégié
l'avait invité. On devine qu'il n'aimerait pas forcément que cette
présence soit interprétée comme une adhésion à la planète bling-bling
révélée au grand public ce jour-là.
Entre communciation et lobbying
Mais Giacometti a beau défendre le métier et ses pratiques, il est en
train de le quitter. Pour faire quoi ? Créer en France un nouveau job,
conseiller en stratégie et communication. Les clients seront privés
comme publics. La multiplication des données et des études créée des
problèmes dans les entreprises et les institutions. Désormais, explique
Pierre Giacometti, un dirigeant est confronté à la multiplication des
panels, des enquêtes sur Internet, des sondages et à un terrain
médiatique de plus en plus international. Or, il ne dispose pas des
ressources et des capacités internes pour évaluer cette masse
d'informations. Ce nouveau métier se situe quelque part entre la
communication et le lobbying. Mais Pierre Giacometti fait plus
volontiers le parallèle avec les grands avocats-conseils. Il a fondé sa
société avec Alain Peron, un autre dirigeant d'IPSOS.
Son premier client sera, bien sûr l'Elysée, confirmant
l'intérêt que représente, pour le Président, l'appel à des consultants
extérieurs pour compléter le travail des conseillers. Giacometti n'est
d'ailleurs pas le seul : des hommes comme Patrick Buisson, Nicolas
Bazire ou Alain Minc ont régilèrement l'oreille du Président. Ils sont,
selon les cas, rémunérés ou non.
La relation entre Sarkozy et Giacometti est déjà ancienne.
En 2001, Nicolas Sarkozy a invité Pierre Giacometti, avec lequel il
s'était violemment affronté sur France 2, le soir des résultats de
l'élection présidentielle de 1995. Comme souvent lorsqu'il cherche à
enrôler quelqu'un, le Président lui avait dit devant une tasse de café
: «Tu es celui qui ne s'est jamais trompé. Tu es le meilleur !»
Mais il ne s'agissait pas que de vile flatterie : Nicolas Sarkozy lui a
proposé de travailler durablement avec lui et, de fait, Giacometti a
accompagné son ascension jusqu'à la victoire de 2008. Sa mission ?
L'aider à décrypter les grandes évolutions de la société française. Un
travail au long cours qui impliquait une relation régulière avec le
candidat. Ce qui n'a pas été sans poser des problèmes au sein de
l'Institut IPSOS : alors que Giaco devenait de plus en plus proche de
Sarko, son patron, Jean-Marc Lech se montrait de plus en plus critique
à son endroit. Pour autant, Pierre Giacometti n'a nullement l'intention
de concurrencer IPSOS : sa société ne fait pas de sondage et n'a pas
l'intention d'en commander, même si son métier devrait l'amener à
conseiller à ses clients de faire appel à des instituts. Son rôle
consistera alors à relire la copie de Lech. Ou des autres instituts,
bien sûr. Mais avec ses yeux bleus métallique, l'homme paraît très
détaché des passions supposées tristes comme la vengeance ou la haine.
On lui donnerait un budget sans confession. C'est, semble-t-il, ce que
s'apprêtent à faire certaines pointures du CAC 40.
Lundi 24 Mars 2008 - 14:41
Philippe Cohen
Retrouvez moi : http://monmulhouse.canalblog.com/