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Mon Mulhouse3
25 mars 2008

Aux Comores, la bataille d'Anjouan a commencé

Arrivée des troupes de l'Union africaine sur l'île d'Anjouan mardi 25 mars.       

AP/Jerome Delay

      Arrivée des troupes de l'Union africaine sur l'île d'Anjouan mardi 25 mars.

Aux Comores, la bataille d'Anjouan a commencé

    Mutsamudu (île d'Anjouan), envoyé spécial

Une heure avant l'aube, à l'heure exacte où la marée d'équinoxe était au plus haut, la mer étale et la lune pleine, quatre bateaux de la petite force comorienne loyaliste, renforcée par des soldats africains, se sont approchés de la baie de Mutsamudu, capitale de l'île d'Anjouan. Ils ont alors ouvert le feu au mortier depuis le large.

L'opération "Démocratie aux Comores" venait de commencer dans cet archipel perdu dans l'océan indien, entre Afrique et Asie. Après un mois d'attente et d'incertitudes, le débarquement des troupes fédérales de l'archipel des Comores a eu lieu sur l'île d'Anjouan à l'heure dite, mardi 25 mars.

Depuis deux mois elle se préparait sur l'île voisine de Mohéli. Objectif : chasser le colonel Mohammed Bacar, président d'Anjouan depuis 2002 mais qui, depuis 2007, se maintenait au pouvoir grâce à des élections déclarées "illégales" par le pouvoir central, installé sur la Grande Comore.

Depuis Anjouan, ces dernières semaines, on distinguait même de loin les bateaux des soldats africains à l'entraînement. Pour ce débarquement inhabituel, à bord de Zodiac, ils ne pouvaient compter que sur les moyens modestes de la coalition formée à cet effet.

Il s'agit d'une coalition hétéroclite regroupée autour des forces centrales, l'Armée nationale de développement (400hommes à Mohéli pour l'opération), et patronnée par l'Union africaine (UA) afin de prendre Anjouan contrôlée par les Forces de gendarmerie anjouanaises (FGA) du colonel Bacar.

Lorsque le jour s'est levé sur la baie de Mutsamudu, les bateaux loyalistes, cargos ou chalutiers aménagés, se sont approchés en deux groupes. Lundi, des tracts de l'armée comorienne largués depuis un hélicoptère avaient annoncé le débarquement "dans les jours ou plutôt dans les heures qui viennent". Ils conseillaient à la population de "rester calme".

A Mutsamudu, le conseil était superflu. Lorsque le jour s'est levé, mardi, à l'approche des bateaux loyalistes, cargos ou chalutiers aménagés, une foule en liesse a envahi les rues de la capitale. Acquise aux forces loyalistes comoriennes, la plupart de la population, dans l'attente des troupes de l'Armée nationale de développement (AND) et de leurs alliés, s'est mise à crier sa haine du colonel Bacar.

CAPITALE HOSTILE À MOHAMED BACAR

Les gendarmes de Mohamed Bacar avaient déjà disparu dans le centre-ville. "Anjouan est libérée !" hurlaient les manifestants. "La guerre sans armes !" hasardait même Youssef Abdallah, descendu de la médina au milieu d'une foule avec, à sa tête, les jeunes hommes qui se terraient depuis des mois pour éviter d'être arrêtés par les forces du colonel.

La capitale d'Anjouan est demeurée hostile jusqu'au bout à l'ex-commandant de la gendarmerie, réélu à huis clos en juin. A Mutsamudu, la population est majoritairement d'origine chirazie (avec des ancêtres venus de la péninsule arabique, des villes swahilies et, peut-être, d'Iran). Elle a vécu l'arrivée au pouvoir de Mohamed Bacar, représentant les "gens de la campagne" issus plutôt du continent, notamment de l'actuel Mozambique, comme un affront envers leurs intérêts. Et aussi envers leur conception de ce que doit être l'ordre des choses aux Comores.

Le président de l'Union comorienne, Ahmed Abdallah Sambi, originaire lui-même d'Anjouan, est d'origine chirazie. Les habitants de Mutsamudu ont conservé ses portraits en bonne place sur lesmurs de leurs maisons et de leurs magasins pendant tout le "règne" de Mohamed Bacar. Ses forces, les FGA, ne pouvaient mettre le pied dans la médina.

Mardi matin, l'heure n'était pas aux discussions sur ces considérations. En ville, sur la place où avait été hissé, en 1997, le drapeau français par les "rattachistes" qui prônaient alors la sécession d'Anjouan pour rentrer dans le giron de la France, un certain Ahmed Aboubakar, surnommé "le hérisson", tentait de convaincre la foule qu'il était le "chef secret de l'opération en cours". Et donc, expliquait-il, poursuivant la métaphore animale, "une taupe, finalement". L'arrivée des militaires comoriens et africains, tout juste débarqués à proximité du port, interrompait la démonstration.

Débarqués sur la plage, les premiers soldats de la coalition à entrer dans Mustamudu étaient des Tanzaniens, accompagnés d'éléments comoriens. Leurs colonnes sont entrées sans combattre.

Sur le port, les éléments des Forces de gendarmerie, supposées loyales à Mohamed Bacar, avaient déjà pris la fuite, abandonnant leurs uniformes sur le sol et laissant les quais, où les commerçants avaient frénétiquement tenté de dédouaner leurs containers la veille, à la merci des pillards. Les troupes tanzaniennes n'ont eu qu'à s'ouvrir un passage en tirant quelques coups de lance-roquettes.

A cette heure, où se trouvaient donc les forces de Mohamed Bacar ? La veille au soir, le commandant Salim, chef d'escadron des FGA, visiblement tendu, dénonçait les "intox et manipulations" du président Sambi, et appelait les enfants à "se rendre à l'école". Mohammed Abdou Madi Jamawe, numéro deux du régime, affirmait  :  "Si les gens veulent la violence, on ne peut leur répondre que par la violence." Allaient-ils se battre ? A l'aéroport, le commandant Kamardine, l'un des responsables des exactions du régime, expliquait que la piste d'atterrissage avait été constellée d'obstacles pour éviter d'être prise d'assaut depuis les airs : "Quand on dort chez soi, on ferme la porte", commentait-il, laconique.

Une offensive a visé les environs de Ouani, ville voisine de Mustamudu où se trouve l'aéroport de l'île. Un petit cargo transformé en navire de guerre, le 13-Radjab, pilonnait en début de matinée l'aéroport et les positions des FGA depuis la mer. Des combats à l'arme lourde avaient lieu, à terre, entre éléments des forces tout juste débarquées et les FGA. A Domoni, de l'autre côté de l'île, des soldats tanzaniens commençaient le porte-à-porte, à la recherche des partisans de Mohamed Bacar. Un des tracts lancés par le pouvoir central de Moroni leur conseillait : "Sachant que vous êtes nombreux à vouloir déserter, il vous sera communiqué, le moment venu, l'endroit où vous vous rendrez et vous serez traité avec dignité, droit et respect. (…) Nous vous souhaitons bon courage et vous disons à bientôt."

Jean-Philippe Rémy

Repères

                                          

Union des Comores. Créée en décembre 2001, elle regroupe les îles de Grande Comore, de Mohéli et d'Anjouan. Moroni est la capitale de l'union. Chaque île dispose d'une large autonomie.

Indépendance. Depuis 1975, les Comores, rattachées à Madagascar pendant la période coloniale française, ont connu une vingtaine de coups d'Etat ou de tentatives de coup d'Etat.

Forces armées. 1200 hommes au plus.

Mayotte. La quatrième île de l'archipel est une collectivité territoriale rattachée à la France.

Religions. La population (632 000 habitants) est musulmane depuis le XIIe siècle. Il existe une minorité catholique.

Commerce. La vanille, l'ylang-ylang (plante qui entre dans la composition de parfums) et le clou de girofle constituent la principale source de devises.

Produit national brut. En 2005, le PNB par habitant était d'environ 450 dollars (sources Nations unies).


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