TINA, l'atout-maître de Sarkozy
TINA, l'atout-maître de Sarkozy
On n'est pas obligé de croire les sondages. Ceux qui lisent
régulièrement Marianne2.fr savent qu'en la matière nous sommes plutôt
enclins à la plus grande circonspection. Pourtant le sondage CSA-Marianne
publié dans le numéro actuellement en kiosque devrait faire réfléchir :
appelés à se prononcer sur les mêmes candidats qu'en mai dernier, les
personnes interrogées reproduisent pratiquement à l'identique le
rapport des forces de la dernière élection présidentielle :
- Ségolène Royal et François Bayrou maintiennent leurs
scores avec respectivement 26% (25,87% en juin 2007) et 19% (18,57%-) ;
un meilleur report des électeurs bayrouistes au second tour permet
epednant à la candidate de la gauche de l'emporter au second tour (par
53,06% contre 46,94%) ;
- à l'exception notable d'Olivier Besancenot qui recueille
7% (4,08% en juin 2007), tous les autres candidats réalisent à 1% le
même genre de score ;
- Nicolas Sarkozy arrive en tête avec 32% contre … 31,18% en juin dernier…
Donc, il ne s'est rien passé depuis l'élection présidentielle. Le
dévissage de Sarko dans les sondages depuis deux mois, jusqu'à des
cotes de popularité-plancher inférieures à 40%. Les critiques sur la
vie privée du Président. La déception sur ce sacré pouvoir d'achat qui
n'en finit pas de baisser. La pagaille des taxis dans Paris. La
polémique sur la laïcité. L'éditorial de Laurent Joffrin dans Libération,
selon lequel, comme dans le film de Klapisch, chacun chercherait son
Président. Tout n'était donc qu'illusions et bulles de savon
médiatiques : l'électorat sarkozyste, en tout cas celui du premier
tour, n'aurait pas bougé d'un iota.
La réponse à ces questions ? TINA. TINA comme There is no
alternative (au neolibéralisme bien sûr), formule née du mouvement
altermondialiste des années 1990. Selon l'entourage présidentiel, cette
formule s'applique merveilleusement bien au contexte actuel. Et c'est
vrai que, sur ce point, le sondage CSA-Marianne interpelle : huit mois
après l'élection présidentielle, ni Ségolène Royal ni François Bayrou
n'ont crédibilisé leur projet, même si leurs deux noms polarisent, au
total, la moitié de l'électorat. Logique : qui pourrait dire, sur les
grands sujets agités depuis juin 2007, quelle politique eut été menée
si l'un ou l'autre avait été élu ?
Pour Dominique Paillé, il convient donc de ne pas
confondre deux phénomènes : d'un côté, une partie de l'électorat
sarkozyste reproche au Président son comportement et l'exposition de sa
vie privée ; mais en même temps, le socle électoral sarkozien demeure
si ce n'est attaché à son projet politique, du moins persuadé qu'il n'y
a pas, en face de lui, une alternative crédible en terme de
gouvernement du pays. La popularité de François Fillon n'aurait pas
d'autre explication. Ah Fillon! L'homme suscite la méfiance au Château.
Mais il ne doit sa cote de popularité, jurent les conseillers, qu'à la
politique du Président.
Flickr
Le peuple derrrière Sarko ?
La stratification sociale du sondage semble corroborer la thèse de
Paillé : 30% des salariés, 38% des inactifs (40% des retraités et 35%
des étudiants) 37% moins de 30 ans et 28% des cadres revoteraient donc
pour l'actuel Président, auquel le peuple semble prêt à renouveler sa
confiance.
Le rejet de Sarkozy n'est donc peut-être pas aussi massif
ni profond que le traitement médiatique qui lui a été infligé ces
dernières semaines - notamment à l'occasion de l'épisode du Salon de
l'agriculture – le laisse supposer. Le Président, par définition,
dispose des deux armes fatale en politique, le temps et les
institutions.
Pourtant, quelque chose nous suggère que la déception
concernant la politique sarkozienne ne relève pas seulement d'une
nouvelle bulle. Tout simplement parce que c'est le bilan même du régime
qui ressemble à une bulle. Une cascade d'annonces, un déluge de
réformes verbalisées mais rarement réalisées. Se rappelle-t-on que
Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il appliquerait la plus grande part des
réformes annoncées par la commission Attali, alors qu'il n'en n'est
aujourd'hui plus question ? Qui se souviendra dans un an de la décision
de confier la mémoire des enfants déportés aux élèves de CM2 ? Qui se
rappellera que le Président a appelé à rompre vigoureusement à rompre
avec la «France-Afrique» quand on annonce des contrats industriels dans
tout le continent ? A-t-on, déjà, oublié que le candidat a proclamé
durant sa campagne qu'il serait le Président du pouvoir d'achat ? Qui
se soucie de ce que les annonces spectaculaires de ventes d'armes lors
des voyages à l'étranger ne semblent pas se concrétiser ?
Au fond, le meilleur allié du Président n'est pas
seulement le temps, mais aussi l'amnésie des Français qui lui permet,
en organisant l'agenda médiatique, de zapper d'un sujet à l'autre sans
s'inquiéter de ce qu'il restera des traces de ses engagements. Les
conseillers qui, à l'Elysée, ont été désignés comme les notaires des
engagements présidentiels, n'auront pas la tâche facile. Mais se
souviendront-ils qu'ils ont été, en principe, recrutés à l'Elysée pour
occuper cette noble fonction ?
Mardi 04 Mars 2008 - 07:46
Philippe Cohen
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