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Mon Mulhouse3
1 mars 2008

Mais quel est le secret de Barack Obama?

Mais quel est le secret de Barack Obama?
                          

 

Fin 2007, la course à l'investiture démocrate paraissait jouée: Hillary Clinton devançait Barack Obama dans les sondages avec un écart régulier de 20 à 30 points. Depuis le 3 janvier 2008, jour de la victoire surprise du sénateur de l'Illinois en Iowa, et de la décevante troisième place de la sénatrice de New York, le premier a connu une remontée rapide, qui le place à présent en tête de course, tant dans les sondages qu'en nombre de délégués.

A quoi correspond cette vague de popularité soudaine? Plus on tente de comprendre le phénomène Obama, plus les facteurs politiques rationnels paraissent insuffisants. Son programme ne diffère que très peu de celui d'Hillary Clinton. Beaucoup d'observateurs créditent cette dernière d'un meilleur plan de couverture maladie universelle, et d'une plus grande expérience politique. Certes, Obama possède des qualités personnelles hors du commun: son intelligence, son charisme (qui rappelle celui de B. Clinton ou de J. F. Kennedy) et son éloquence -il semble hypnotiser les foules qui se pressent à ses meetings.

Mais pour expliquer l'ampleur du mouvement pro-Obama observé ces deux derniers mois, il faut sans doute avoir recours à d'autres hypothèses qui, pour ne rien simplifier, s'excluent mutuellement.

La première hypothèse repose sur la capacité d'Obama à étancher, mieux qu'Hillary Clinton, la soif de changement après huit années d'administration Bush. Sa supériorité dans ce domaine se joue moins sur le plan politique que sur le plan personnel: son âge, son histoire personnelle et son origine ethnique constituent ici ses atouts maîtres pour incarner le changement -voire la rédemption.

Hillary Clinton symbolise les années 1990, une décennie dominée par les mandats de son mari, par la grande violence des attaques de la droite républicaine contre les deux époux, et plus généralement par les guerres culturelles autour des questions posées par les bouleversements des années 1960 (libération sexuelle, féminisme, place des minorités et discrimination positive, patriotisme, etc.). En ce sens, elle demeure dans le monde de George W. Bush, comme l'autre plateau de la balance. Obama, de par son jeune âge et son discours invitant à dépasser le vieux clivages, offre la possibilité de transcender ces questions: "Adieu à tout cela", résume le commentateur Andrew Sullivan.

Mais c'est surtout la page de l'administration Bush qu'Obama permet de tourner autant politiquement que symboliquement. Il règne, chez certains Américains, comme un malaise diffus et parfois inconscient après sept années de "guerre contre la terreur". L'usage de la torture, les procédures extra-judiciaires et la violation de l'Habeas Corpus, l'affirmation d'une présidence impériale – tout cela ne ressemble pas à leur Amérique idéale. Barack Obama, lui, s'offre symboliquement comme un agent de rédemption, comme le très religieux et largement inconnu Jimmy Carter s'est offert en 1976 pour restaurer le capital moral de l'Amérique après le Vietnam et le scandale du Watergate.

C'est ici que son histoire personnelle compte le plus. Sur le plan extérieur, l'administration Bush incarne le nationalisme, l'unilatéralisme et l'arrogance. Barack Obama, né d'un père kenyan, et qui a vécu en Indonésie une partie de sa jeunesse, incarne l'internationalisme, le dialogue, le métissage. Pas étonnant qu'il soit le candidat préféré du reste du monde -un signal subliminal qui n'est pas anodin dans l'Amérique de Bush.

Mais c'est sur le plan intérieur que le facteur racial joue le plus. L'administration Bush restera liée aux images des réfugiés noirs pauvres de La Nouvelle-Orléans piégés dans le Superdome après l'ouragan Katrina en 2005. L'élection du premier président noir, à l'inverse, permettrait de renouer avec les moments historiques de l'abolition de l'esclavage et de la lutte pour les droits civiques, de reconstituer instantanément un capital moral dilapidé par l'administration Bush, de changer radicalement le visage que l'Amérique offre au monde. Autant de prouesses symboliques que l'élection de la première femme à la Maison blanche n'égalerait pas.

Las, la deuxième hypothèse pour expliquer le phénomène Obama est bien plus terre-à-terre. Elle ressortit d'un phénomène politique beaucoup plus traditionnel et, en passant, se moque de la première hypothèse, sans forcément être mieux établie.

La relative vacuité des discours d'Obama sur "l'espoir" ou "le changement", la caractère vague de certains points de son programme, la légèreté de son expérience passée, et même ses absences ou ses abstentions lors de certains votes délicats -autant de faiblesses objectives qu'Hillary Clinton s'épuise à attaquer- constitueraient en réalité ses principaux atouts. Chacun peut ainsi reconnaître en lui ses propres aspirations, projeter en cet Obama plastique le président qu'il idéalise, l'avenir dont il rêve et surtout l'Amérique qu'il aime. Y compris l'Europe.

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