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Mon Mulhouse3
1 mars 2008

Temaru-Flosse: le rebond du nationalisme tahitien

Temaru-Flosse: le rebond du nationalisme tahitien
                                   

      

Le drapeau de la Polynésie française (Gallecier/Flickr).

Élu le 23 février grâce aux voix des indépendantistes, Gaston Flosse a présenté avant-hier à Tahiti son gouvernement qui comporte 15 ministres. L'occasion pour Rue 89 d'analyser le ressort nationaliste de cette alliance contre nature.

Gaston Flosse (Reuters).L'alliance improbable entre l'indépendantiste, Oscar Temaru, et le sénateur UMP, Gaston Flosse, pour gouverner la Polynésie est souvent présentée, par ses thuriféraires, comme la victoire du peuple indigène, le peuple ma'ohi. Contre le candidat de l'État français, des chinois et des "demi" (métis), Gaston Tong Sang.

Cette victoire constitue le point d'orgue d'une campagne électorale marquée notamment par des propos à caractère xénophobes et la concrétisation, sinon la cristallisation, d'un certain nationalisme tahitien.

Oscar Temaru (Reuters).En 2001, le parti indépendantiste d'Oscar Temaru, le Tavini Huiraatira, obtient près de 25% des suffrages exprimés aux élections territoriales. Sept ans plus tard, l'Union pour la démocratie, dominée très largement par le Tavini et dirigée par le même Temaru, remporte plus de 37% des voix. Aucune formation n'a progressé autant en si peu de temps.

Cependant, on ne peut résumer la montée du discours nationaliste à la seule progression électorale du camp indépendantiste. Car, l'autonomie, ou plutôt l'usage qu'en a fait son principal promoteur Gaston Flosse, a fait également le lit du nationalisme.

De l'autonomie à l'invisibilité de l'Etat

En 1984, ce proche de Jacques Chirac, grand défenseur des essais nucléaires et de la présence française dans le Pacifique Sud, obtient du gouvernement Mauroy un nouveau statut d'autonomie avec de nouvelles compétences pour la Polynésie mais aussi, et surtout, la reconnaissance de l'identité locale. Ce qui est alors un Territoire d'outre-mer peut désormais créer ses propres signes distinctifs "permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques et officielles aux côtés des emblèmes de la République".

Sont ainsi créés un drapeau, un hymne, un sceau officiel et même un ordre de Tahiti Nui (le Grand Tahiti) comparable à la légion d'honneur. Avec un président, un gouvernement, une assemblée et des symboles propres, la Polynésie prend petit à petit toutes les apparences d'un État, auquel ne manque plus que la souveraineté.

Le dernier statut d'autonomie, celui de 2004, accélère ce processus puisqu'il fait de la Polynésie un pays d'outre-mer qui se gouverne librement et démocratiquement", prévoit la possibilité pour les "représentants" (les députés locaux) de voter des "lois du pays" (à caractère réglementaire uniquement) et cantonne l'État à ses missions régaliennes (justice, police, monnaie, défense). Dans l'ensemble ultramarin français, seule la Nouvelle-Calédonie dispose d'une autonomie aussi large.

L'effet pervers, explique le politologue Sémir Al Wardi, c'est que l'État s'est rendu "invisible voire exogène" à la Polynésie et à sa population. Ce dont a su profiter Gaston Flosse pour faire sien le développement économique de l'archipel -très inégal et incomplet au demeurant. L'historien Jean-Marc Regnault note aisi:

"À force de dire que le gouvernement de la Polynésie fait tout, finance tout, les gens ont fini par le croire."

Au lieu de le contenir, la satisfaction des revendications statutaires et identitaires a donc favorisé l'éclosion d'un nationalisme porté, dès le
départ, par les indépendantistes puis, progressivement, par une grande partie des autonomistes qui voit aujourd'hui d'un mauvais œil toute intervention du gouvernement central dans les "affaires intérieures" de la Polynésie.

Pied de nez à l'intervention du gouvernement central

Car paradoxalement, l'État persiste à vouloir intervenir dans la vie politique locale provoquant, à chaque fois, une levée de bouclier de ses adversaires. Christian Estrosi vient d'en faire l'expérience. Si l'on parle volontiers d'une "réconciliation du peuple ma'ohi", le rapprochement entre Flosse et Temaru représente surtout un véritable pied de nez -pour ne pas dire plus- au secrétaire d'État à l'outre-mer accusé d'avoir soutenu Gaston Tong Sang pendant la campagne électorale. Sémir Al Wardi poursuit:

"Il est vraiment regrettable de constater que l'État n'arrive pas à adopter une posture impartiale. Or, le nationalisme tahitien se nourrit précisément de l'incompréhension du jeu politique local et de la méconnaissance de l'esprit clanique.

Depuis le 23 février, le Tahoeraa de Flosse et l'UPLD de Temaru sont unis pour gouverner la Polynésie. Même si elle est réelle, la soif de pouvoir des deux leaders n'explique pas tout. C'est bien le nationalisme, celui du "peuple ma'ohi", qui constitue le ciment de leur alliance.

Un rapprochement d'autant plus aisé maintenant que l'élite économique et culturelle a quitté le parti flossiste pour la formation de Tong Sang. Résultat, son électorat est devenu peu ou prou identique à celui de l'UPLD : populaire, marchant à l'affectif, souvent animé d'un sentiment antifrançais et -comme on l'a vu pendant la campagne- parfois antichinois. A terme, le camp Temaru peut même espérer siphonner l'intégralité de l'électorat du Tahoeraa et devenir ainsi un parti nationaliste, populaire… Et majoritaire.

Reste à savoir ce que va faire l'État face à une situation qu'il a lui-même favorisée. Une semaine après l'élection de Flosse à la présidence du Pays, l'Élysée n'a toujours pas réagi. Estrosi s'est contenté du minimum en "prenant acte" du retour aux affaires du "vieux lion".

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